« Vous le voyez, le prêtre, tout là-haut, sur le flanc ensoleillé du rocher ? » Les yeux se plissent sous le soleil de plomb malgré l’heure matinale. Une forme blanche et immobile vissée à la paroi tranche soudain sur le rouge ocré de la montagne. Au pied du massif du Gheralta, les plaines de tef s’étirent à 2 000 mètres d’altitude. Abune Yemata surplombe un précipice de 200 mètres. Dans le silence haché par les cris des aigles qui tournoient, le prêtre Haile Selassie (« Sainte Trinité » en amharique) attend les visiteurs. Les fidèles sont déjà venus avant l’aube. Les touristes n’arrivent, eux, qu’en début de matinée.
Depuis Mekele, la capitale du Tigré, une route asphaltée mène à Wukro. Puis une piste sablonneuse s’engage vers la petite ville de Hawzen, clé de voûte des chemins qui mènent à la quinzaine d’églises des environs. Après quatre kilomètres de cailloux et de nids-de-poule, Abune Yemata ne devient accessible qu’à pied. Les rares étrangers à s’aventurer dans ce désert méconnu de style western spaghetti chaussent leurs lacets. Le premier sentier escarpé navigue entre les arbustes ras et les fleurs orangées d’aloe vera. Après une heure de marche, la montagne concède enfin son ombre.