Après avoir brigué deux mandats et ne pouvant plus être candidat conformément à la constitution du Kenya, Uhuru Kenyatta a décidé d’apporter son soutien à son ancien rival et chef de file de l’opposition kenyane Raila Odinga. Une décision historique dans l’échiquier politique du pays.
« Nous avons choisi Raila Odinga pour être le 5e président du Kenya ». Telle est la déclaration d’Uhuru Kenyatta, samedi dernier devant des milliers de ses partisans réunis dans la capitale kenyane Nairobi. Le président de la République en fonction depuis 2013 a jeté son dévolu sur son rival éternel pour l’élection présidentielle prévue en août prochain. Le rapprochement entre ses deux mastodontes de la vie politique kenyane a débuté le mois dernier. En effet, le parti dirigé par Kenyatta, le Jubilee a décidé de rejoindre la coalition Azimio la Umoja, qui signifie « Quête d’unité », en vue des prochaines échéances électorales (présidentielle et législatives). Dans son allocution de samedi, Uhuru Kenyatta a renchérit en déclarant : « Nous n’avons aucun doute, nous avons un capitaine d’équipe qui s’appelle Raila Odinga ».
Cette coalition vient enterrer la hache de guerre entre les deux entités politiques les plus puissantes du pays. En effet, les deux protagonistes se sont livrés durant plusieurs années une lutte sans merci pour diriger le pays. En 2017, après la réélection d’Uhuru Kenyatta, des violences post-électorales ont éclaté dans le pays. Après avoir enregistré plus d’une dizaine de morts, les deux hommes se sont serrés la main pour mettre fin à la crise, ce qui a fortement surpris les observateurs. Ce n’était pas la première fois que les deux parties étaient à l’origine des troubles dans le pays. En 2007-2008 déjà, des violences post-électorales avaient causé la mort de plus de 1 100 Kenyans. Uhuru Kenyatta et Raila Odinga ont par la suite été inculpés à la Cour Pénale Internationale pour crimes contre l’humanité. Mais au finish les charges ont été abandonnées contre eux.
Raila Odinga âgé de 77 ans n’est pas un novice des élections présidentielles. Pour rappel, il participera en août prochain à sa 5e élection présidentielle. Tout porte à croire que cette fois sera la bonne pour lui. Il a d’ailleurs déclaré à cet effet : » J’accepte cette nomination avec absolue gratitude et dévouement pour notre peuple ». Il considère cette alliance avec son ennemi de toujours comme « l’événement politique le plus inattendu de l’histoire de notre pays ». Ancien prisonnier politique et Premier ministre, il bénéficie désormais du soutien de 26 partis politiques au sein de la coalition Azimio la Umoja. S’il est élu il sera le premier de l’ethnie Luo a brigué la présidence au Kenya. Un poste occupé depuis l’indépendance en 1963 par les ethnies Kikuyu et Kalenjin.
Néanmoins, cette coalition ne fait pas que des heureux. Le grand perdant de ce rapprochement historique est William Ruto, l’actuel vice-président du pays. En rupture avec Kenyatta, Ruto a été banni du parti Jubilee à la fin du mois de février. Tout désigné pour succéder à Uhuru Kenyatta, William Ruto ne dispose plus du soutien du parti. A 54 ans, il ne s’est pas encore officiellement déclaré candidat. Mais tout porte à croire qu’il le fera. Il n’a cessé de tenir des meetings ces derniers mois.
