« La France n’est plus ce qu’elle était », semblait déjà dire, il y a une dizaine d’années, le charismatique intellectuel burkinabè Laurent Bado, ne concédant à l’ancienne puissance coloniale que la paternité de la chicorée Leroux. C’était avant la crise sécuritaire, avant l’eau jihadiste insalubre qui a, depuis, coulé sous les ponts sahéliens. Les rues du Burkina Faso sont-elles en passe de relayer la fronde anti-française malienne de ces derniers mois ?
Certes, le Pays des Hommes intègres ne dispose pas d’instituts de sondages susceptibles de mesurer précisément, en mode “rolling”, la proportion des “anti-français” de l’heure, ce qui aurait permis de distinguer expression de foule et sentiment de peuple. En ce qui concerne la position officielle, le putschiste Paul-Henri Sandaogo Damiba n’aime guère s’exprimer, tout autant qu’il n’apprécie que peu d’entendre les opposants parler. Dans le Sahel des trois pays meurtris par l’islamisme, le Faso ménage la chèvre et le chou, adoptant une position manifestement intermédiaire entre la francophilie présumée d’un Mohamed Bazoum et la quasi franco-incompatibilité revendiquée d’un Choguel Maïga.
Sur le plan militaire, déjà sous le premier mandat de Roch Marc Christian Kaboré, le ministre de la Défense d’alors, Chérif Sy, n’excluait pas une collaboration accrue avec de vagues partenaires russes dont l’apparition dans un pays africain induit souvent divorce avec la France. En novembre dernier, en simple transit vers le Niger, un convoi militaire français était bloqué par des manifestants, à Kaya, et chahuté sur la globalité de son parcours.
Si, depuis, la France n’a pas exprimé l’intention de déployer ou redéployer des forces issues de Barkhane au Burkina Faso – y sont présentes essentiellement des forces spéciales -, des citoyens burkinabè manifestaient, le week-end dernier, contre la coopération militaire avec l’ancien colon, à l’appel de la coalition Faso Lagam Taaba Zaaka (“La maison du vivre-ensemble au Faso”). Certains appelaient de leur vœux l’avènement d’un messie russe.