Développer les industries culturelles et créatives en Afrique

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« L’égalité aujourd’hui, pour un avenir durable ». L’Agence Française de Développement (AFD) a décidé d’incarner le thème 2022 de la Journée Internationale des Droits de la Femme dans des actions pérennes qu’elle a pu accompagner au Sahel, pour ou par des femmes.

L’occasion de mettre en lumière l’impact du programme Afrique Créative, financé par l’AFD et mis en œuvre par Africalia, à travers le concret des exemples Biibop, pionnier du jouet et du matériel éducatif et le styliste Sébastien Bazemo avec la fantastique histoire du tissu Koko Dunda.
Si le programme Afrique Créative, étalé sur un an, propose une subvention pour « accélérer la croissance des entreprises », le plus précieux de l’avis des différents lauréats reste l’accompagnement régulier par des mentors et le renforcement technique pour apprendre à bien piloter sa boîte.

Sans compter la mise en réseau avec des partenaires et des investisseurs potentiels pour développer l’activité.

Biibop est une marque africaine de jouets et de matériel éducatif pour les enfants de 0 à 6 ans. L’entreprise sociale burkinabè, née en 2019, revendique une production 100% africaine.« Tout est fait main, nous travaillons aujourd’hui avec une dizaine d’artisans », explique Arzompoko Rosine KIEMA, Co-Fondatrice et Co-Gérante de Biibop.

« Mémoire, concentration, imagination, créativité, nos collections sont élaborées pour rendre accessible des jouets éducatifs fabriqués localement et de qualité, adaptés à l’âge et au développement des enfants ».

C’est en 2018 que Biibop fait son apparition. Une apparition remarquée au Salon Internationale de l’Artisanat de Ouagadougou où l’initiative, primée, remporte le prix Lafi Bala. Une dimension artisanale qui cadre avec le fait que Mme KIEMA fonctionnait uniquement avec ses humbles moyens.

« Afrique Créative m’a apporté beaucoup de choses. Grâce à eux, j’ai pu structurer mon entreprise, faire des recrutements (une assistante administrative et logistique et un commercial), m’équiper en matériel informatique, développer l’atelier et mettre en place une équipe recherche et développement avec des professionnels de l’éducation », relate la lauréate 2021.

Mais pour elle, le gros plus du programme reste l’accompagnement dont elle a pu bénéficier en matière de formation et renforcement des capacités. « C’est plus qu’utile pour les entrepreneurs ». Précieux et émancipatoire.

Désormais elle nourrit de grandes ambitions. Couvrir le Burkina Faso, malgré la situation sécuritaire, et la sous-région, aller à l’international et développer son e-commerce si possible sur son site Web et sur les réseaux sociaux.

Et l’accompagnement d’Afrique Créative n’a commencé qu’en octobre 2021…

Biibop salarie une dizaine d’employés. L’entreprise elle travaille en outre avec l’atelier de production d’un chef menuisier, un chef peintre, une cheffe de production de poupées africaines, chacun avec leur équipe.Biibop a également un réseau d’artisans partenaires. « Les artisans ne travaillent pas seuls, ils ont tous des assistants dans leurs ateliers », explique Mme KIEMA qui indique que l’impact socio-économique surtout éducatif est très large. Elle estime, en effet, que ses artisans mobilisent en tout plus d’une cinquantaine de personnes.

Elle est fière de sa marque et des retours de clients satisfaits sont à chaque fois l’occasion de vérifier qu’elle est sur le bon chemin. « Certains nous félicitent de la finition et de la durabilité de nos produits, ainsi que sur les aspects éducatifs. Beaucoup nous recommandent et nous envoient même des photos-vidéos ».

Et pour proposer des jouets ou du matériels toujours adaptés et pertinents, Biibop travaille en Recherche et Développement avec « un inspecteur petite-enfance à la retraite, une maîtresse et une association française qui travaille avec des auxiliaires de vie scolaire pour tester les produits dans des écoles partenaires ».

Un gage de garantir la promesse éducative de Biibop tout en veillant à se renouveler et à étendre sa gamme.

Si le pagne Koko Dunda fait aujourd’hui, à l’image du Faso Dan Fani, la fierté du Burkina Faso, l’étoffe revient de loin. Comment ce tissu du pauvre est-il devenu un véritable fleuron culturel de la mode africaine ? Ceci, on le doit à un homme : Sébastien Bazemo, nom éponyme d’une marque désormais mondialement connue. « Au départ le Koko Dunda ne portait pas ce nom. Le tissu, basé sur des techniques de teinture, s’appelait le « Tie ti barala » ce qui en dioula (langue mandingue parlée au Burkina Faso, au Mali et en Côte d’Ivoire) signifie : « Mon mari ne travaille pas » », explique le créateur de mode.

Un tissu marginalisé qui était même « considéré comme une injure si on vous en offrait », précise-t-il, ravi de voir qu’aujourd’hui « il n’y a pas un Burkinabè qui n’ait pas du Koko Dunda dans sa garde-robe ».

Tout commence en 2014 après la chute du Président Blaise Compaoré. Les temps sont durs pour le styliste dans un climat économique difficile. « Il fallait redonner goût aux gens de s’habiller et de porter ce qui vient de chez soi ».

Je trouvais le Faso Dan Fani trop épais. Un jour je suis tombé sur le Tie ti barala sur le marché. J’en ai acheté et ai commencé à créer des modèles avec.

« Au départ, les personnes étaient choquées de me voir travailler ce pagne. Mais, moi j’y voyais quelque chose, je sentais son potentiel. Au départ c’était fait sur de la gabardine, uniquement avec deux couleurs : le vert et le violet. Et toujours avec les mêmes motifs. » Alors il travaille avec les teinturières pour varier les matières (chiffon de mousseline, soi, coton glacé…) et changer les couleurs.

C’est sans doute à l’occasion d’un voyage au Congo Brazzaville qu’il prend conscience de la valeur de ce tissu retravaillé. « J’étais invité au Congo et je suis arrivé avec quelques créations »

Et au pays de la sape (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes) le prix fait souvent la valeur. Alors c’est un ami congolais, trouvant dérisoires les prix que Sébastien voulait pratiquer, qui a pris soin de fixer de nouveaux tarifs.

Il a pu vendre une chemise à 150 euros (près de 100 000 FCFA) et une robe à 400 euros (262 000 FCFA) ! « Pour moi c’était comme si je volais les gens », se souvient-il. Il a fait, en une semaine à Brazzaville, son chiffre d’affaires d’un mois à Ouagadougou.

C’est l’instabilité politique de l’époque qui l’a empêché de s’installer au Congo.

Alors il a cette idée géniale : donner de la dignité à ce tissu en changeant son nom. Il organise une conférence de presse pour rebaptiser le « Tie ti barala », et lui donner le nom de « Koko Dunda »,qui signifie « l’entrée de Koko » en dioula, en hommage au quartier Koko à Bobo Dioulasso où les mamans travaillent ce pagne.

Dans la foulée il crée une collection 100% Koko Dunda pour homme et femme et organise un défilé privé pour la lancer. Le succès est fulgurant. Il offre même une tenue au président. Et quelle ne fut pas sa surprise de voir Roch Marc Christian Kaboré arborer sa chemise à l’occasion d’une rencontre de chefs d’Etat.

L’effet d’entrainement est immédiat. Mais Sébastien Bazemo va plus loin et base sa communication sur les artistes et les personnalités internationales. Fally Ipupa, Singuila, Meiway, Tinken Jah ont porté les créations qu’il leur a faites. Tout comme la Princesse de Monaco, Angelina Jolie ou Emmanuel Macron…

Le tissu est désormais labelisé. « C’est un ami qui m’a parlé de l’appel à projet d’Afrique Créative. J’avais foi de l’avoir, même si au départ ça n’était pas facile, car j’étais juste créateur, je n’étais pas chef d’entreprise », se souvient-il.

Alors il joue la carte de l’honnêteté. « J’ai été clair dans mes défauts et mes failles quant à mon entreprise. Comme le fait qu’il me fallait me structurer sur quasiment tous les pans de l’entrepreneuriat. J’avais des employés, mais je vivais au jour le jour. »

SourceLe Faso
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