Sur scène, l’artiste aux cheveux ras et peroxydés est une boule d’énergie, qui semble tout donner dans son chant et dans sa danse frénétique. Ambiance et sueur garanties.
Côté intime, Engrácia Domingos da Silva (son vrai nom) cache quelques fêlures. D’abord celle du déracinement. En 2000, alors qu’elle n’a que 8 ans, sa famille fuit l’Angola et sa guerre civile pour le Portugal. Sa mère fait des ménages, son père travaille dans le bâtiment, lui qui avait un temps embrassé la carrière de danseur de kuduro en Angola.
Avec ses deux sœurs, ils vivent durant une année dans une chambre d’hôtel, avant d’emménager à Pontinha, une ville située dans la banlieue nord de Lisbonne. Les Africains y sont rares, les moqueries fréquentes concernant la couleur de peau de l’adolescente, ses cheveux ou son accent, notamment à l’école. Très strict, le papa empêche ses trois filles de sortir ou de voir des amis, Pongo se remémore « la dictature » imposée par son paternel. À 12 ans, elle saute du septième étage d’un immeuble. Miraculeusement, elle ne s’en tire qu’avec une jambe cassée. Alors qu’elle se rend chez le kiné, elle aperçoit un groupe de garçons qui se produit dans la rue de ce quartier de Queluz, où vivent de nombreux immigrés africains.
Elle rejoindra Denon Squad, d’abord en tant que danseuse, puis comme chanteuse, tendance rap. Ses parents s’inquiètent : elle aurait de mauvaises fréquentations, prendrait de la drogue… Le groupe portugais Buraka Som Sistema la repère et l’embauche grâce à une cassette envoyée par Denon Squad. Elle prend le pseudonyme de Pongolove, en hommage à la chanteuse congolaise M’Pongo Love, que son père adore. Une chanteuse au destin tragique, morte à l’âge de 33 ans.
Succès
En 2008, Pongolove se fait connaître grâce à Kalemba (Wegue Wegue), un tube de kuduro survolté sur lequel elle rappe avec précision en kimbundu, une langue d’Angola. Le kuduro (« cul dur ») était un style de danse avant de dénommer un style d’electro né des boîtes à rythmes des musseques de Luanda, les bidonvilles de la capitale.
Avec ce succès, notamment financier, sa famille finit par accepter sa carrière et le père devient le manager de l’adolescente. À la radio, sur YouTube, dans des jeux vidéo, en concerts… le titre est partout.
Il raconte les souvenirs, peut-être idéalisés, de son enfance en Angola. Mais les tracasseries administratives pour partir en tournée à l’étranger, alors qu’elle est mineure, son père autoritaire et alcoolique —qui finit par quitter le domicile— ainsi qu’une brouille avec le groupe l’éloignent de la musique.
Pongo estime avoir été trompée par Buraka Som Sistema concernant Kalemba (Wegue Wegue) qu’elle a en grande partie écrit et composé, le groupe prétend qu’elle n’était qu’interprète de ce qui reste leur plus grand succès à ce jour.
Déclic
La jeune femme fonde une famille et vit de petits boulots. Un jour, alors qu’elle fait le ménage dans une maison, elle entend son tube à la radio. C’est le déclic. Pongo décide de reprendre le chemin des studios pour mener une carrière en solo. Elle publie en 2018, son premier maxi 5 titres Baia, réalisé par le Français Raphaël d’Hervez (ancien de Pégase et Minitel Rose), qui mixe kuduro, électro et dancehall. En 2019, elle est invitée à participer à la Fête de la Musique à l’Élysée, aux côtés du duo Brigitte et Iris Gold, devant Emmanuel et Brigitte Macron.
Aux manettes du premier album de Pongo, Sakidila (2022), on retrouve le Français Thomas Broussard (guitariste croisé aux côtés de Pierpoljak, Taïro ou Koffee). Cet opus tente le grand écart entre titres pensés pour la radio (les chœurs de Hey Linda, Doudou ou Vida), hybridations (le reggaeton de Pica, l’amapiano Amaduro), et toujours son lot de titres trépidants (Bruxos, Goolo), qui laisseront l’auditeur exténué.
Pongo y tente une reprise de Wegue Wegue, façon de revendiquer son dû ? On y retrouve aussi Kuzola, déchirante chanson d’amour tirée de son mini album Baia. Ambassadrice d’un kuduro métissé, Pongo balance toujours entre fête et tristesse.