« Bikutsi 3000 » : l’Afrique à l’école des femmes selon Blick Bassy

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Tout commence par cet avertissement au spectateur : « Ce conte comporte des faits historiques réels ». Et puis il y a les images de l’abattage d’un arbre à partir duquel on fabrique des tambours. Tout cela avant qu’une conteuse n’apparaisse en vidéo sur les longues tentures qui servent d’écran. Dès les premiers moments, Bikutsi 3000 nous amène loin de nos bases, aux confins de Mintaba – le continent africain.

La trame de ce « conte afro-futuriste » et « féministe » imaginé par l’artiste camerounais, Blick Bassy, croise effectivement la grande histoire. En 1885, lors de la conférence de Berlin, 14 pays parmi lesquels l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis ou le Portugal décident de se partager l’Afrique et d’imposer le système colonial. La reine du Nkolmesseng entre alors en résistance. Elle a pour objectif de défaire d’ici 2050 Mintaba du colonialisme et de l’impérialisme grâce à une armée de femmes qui se bat par la danse.

« On danse tout le temps »

La narration se déploie en cinq tableaux qui représentent des lieux et des époques différentes. On part de « Nkolmesseng » en 1885, l’actuel Cameroun, pour arriver à « Umugezi », le Rwanda et le Burundi de 2050. Entre temps, on a parcouru tout le continent et plus d’un siècle et demi. Traversé par les danses traditionnelles de chaque pays (Cameroun, Namibie, Togo, Tanzanie, Rwanda et Burundi), Bikutsi 3000 trouve sa pulsation dans cet art.

Pourquoi en faire le pilier de tout ce conte ? « Dans nos différentes tribus, on danse tout le temps, pour les guérisons, pour les naissances, pour les deuils, constate Blick Bassy. Chez les Bamilékés par exemple, les funérailles sont un moment de danse intense. La danse permet de passer d’une dimension une autre. » Cette danse n’est jamais très loin de la transe ; elle appelle ici à une nécessaire transformation et à une prise de conscience des populations.

Dans cette histoire panafricaine, ce sont les femmes qui jouent les premiers rôles. Elles sont conteuses, mais aussi prêtresses vaudous, reines, guerrières ou chanteuses ; surtout, elles sont de toutes les images. Ayant fait confiance à quatre jeunes danseuses venus de la danse africaine comme du hip hop, Blick Bassy leur a laissé les coudées franches pour chorégraphier ses tableaux. Un choix qui s’avère gagnant tant ces filles vont bien ensemble !

Mélange des formes artistiques

Spectacle plein d’idées – et disons-le, un rien touffu…-, Bikutsi 3000 mêle allègrement les disciplines artistiques. Au conte et à la danse, il faut ajouter la vidéo, l’animation et la musique. Pour illustrer son propos, Blick Bassy est allé chercher des images et des sons issus de la collection du musée du Quai Branly. Ces archives lui ont permis de construire les séquences vidéo et de composer une bande-son faite tantôt de ces enregistrements de terrain, tantôt de musique électronique.

Ce qui emporte la pièce, c’est justement la musique. Partant de ces enregistrements de rites et de cérémonies, elle va progressivement vers les musiques urbaines africaines et le dancehall. C’est d’ailleurs quand les beats frappent dur que le spectacle trouve sa vibration.

Alors, après que les corps se sont donnés, on voit les danseuses avancer dans le clair-obscur et l’on entend juste leur souffle… On regrettera cependant sur la longueur que les formes artistiques se télescopent trop, la vidéo prenant le pas sur ce qui se passe sur le plateau et sur les éclairages.

Présenté durant tout le week-end au Quai Branly, Bikutsi 3000 est l’épilogue de la carte blanche que le musée des arts premiers a donné à Blick Bassy, en parallèle de l’exposition Sur la route des chefferies du Cameroun Du visible à l’invisible.

Depuis mai, le chanteur et artiste complet camerounais a donné un concert, mis un coup de projecteur sur la jeune garde des voix féminines africaines, proposé des performances et des installations. A propos de cela, l’artiste expliquait qu’il s’agissait d’une très belle occasion de dire « sa vision de la réalité de l’Afrique » et d’afficher son point de vue sur une gestion déconnectée des traditions et des réalités culturelles de chaque pays.

Pour Blick Bassy, Bikutsi 3000 est un projet plus global, tout autant qu’un spectacle. Il s’agit d’un « plaidoyer à la reconnexion aux valeurs traditionnelles et à l’environnement pour pouvoir gérer le monde » ! Suite logique d’une création qui a eu lieu entre Paris et Yaoundé, le spectacle devrait tourner un peu partout l’année prochaine et donner lieu à sa version africaine.

SourceRFI
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