Dans la très solennelle basilique Saint-Pierre de Rome, au Vatican, la scène est éblouissante de couleurs et de joie. Assis et souriant, le pape François salue les processionnaires congolais, vêtus de vêtements traditionnels, qui viennent lui présenter des offrandes devant l’autel en dansant et en chantant.
Ces images étonnantes sont tirées d’une messe selon le « Missel romain pour les diocèses du Zaïre », aussi appelé « rite zaïrois », car la liturgie est adaptée à la culture du pays. Une telle célébration ne s’était déroulée qu’une seule fois dans l’histoire de la basilique Saint-Pierre, en 2019.
Contraint d’annuler son voyage en République démocratique du Congo pour raisons de santé, le pape a célébré une messe très particulière. Le « rite zaïrois » est en effet le seul à être approuvé par le Saint-Siège, comme variante du rite romain. L’aumônier des Congolais à Paris, l’abbé Noël Mpati, a fait le déplacement à Rome pour assister à la célébration, à une dizaine de mètres du Pape. « J’étais devant l’autel avec une trentaine de prêtres de rite zaïrois, raconte-t-il. Quand je suis entré dans la basilique Saint-Pierre, j’ai été saisi par l’émotion parce que nous étions vraiment au cœur de l’Église mère ! »
Un travail de longue haleine
La messe africaine célébrée au Vatican a pu en surprendre plus d’un ce dimanche, car les chants et les danses au rythme des tambours sont inhabituels dans la basilique, et ne font pas partie de la liturgie occidentale. Pourtant, le rite zaïrois (du Zaïre, nom de l’ancienne république du Congo) est parfaitement conforme à la liturgie de l’Église, et représente un modèle d’inculturation. Ce terme chrétien et missionnaire signifie que l’Évangile s’adapte à la culture des pays où il se trouve.
L’effort d’adaptation a nécessité des décennies de travail entre les évêques du Congo et le Saint-Siège. C’est en effet à partir du Concile Vatican II, et de la constitution Sacrosanctum concilium, que les églises de chaque pays ont eu la possibilité d’abandonner la messe en latin et de la célébrer dans la langue vernaculaire.
« En Afrique, seuls les intellectuels pouvaient vraiment comprendre la messe en latin, rappelle l’abbé Noël Mpati. Les évêques congolais ont donc profité de Vatican II pour créer une liturgie vivante et parlante pour les fidèles. Ils ont fait des propositions à la Congrégation romaine pour le culte divin, qui a revu et corrigé leurs ébauches dans les années 1970, avant une phase d’expérimentation d’une dizaine d’années dans les églises locales. »
En 1988, le rite zaïrois est officiellement approuvé par le Saint-Siège, car il s’appuie bien sur le missel romain. Les croyants célèbrent aujourd’hui les mêmes prières, la même eucharistie et ont le même calendrier que dans le rite romain.
Les mains vers le ciel
Ils font partie intégrante de l’Église romaine, et considèrent le pape comme le « chef » de l’Église, c’est-à-dire le protecteur de tout le peuple catholique. Cette fonction renvoie aux chefs de la tradition africaine, des représentants des communautés territoriales dont l’autorité repose sur le prestige, et le sacré. Le vêtement des prêtres de rite zaïrois symbolise aussi, par ses ornements, la « chefferie » du Christ.
Dans cette volonté d’adapter la liturgie romaine à la culture locale, les messes congolaises sont particulièrement dynamiques, avec un public très réactif et amené à chanter et à danser sur les bancs de l’église. Le prêtre invoque les saints et les ancêtres du peuple au début de la célébration, et les instruments locaux, comme le tambour, remplacent l’orgue. « Les Français qui viennent assister à nos messes sont parfois choqués par le bruit, et la vivacité des échanges autour d’eux, explique l’abbé Noël Mpati, qui officie à la paroisse congolaise Saint-Bernard-de-la-Chapelle à Paris. Ils sont les seuls à applaudir à la fin des chants, parce qu’ils voient cela comme un spectacle mais pour nous, c’est une simple participation à l’acte liturgique. En fait, nous célébrons les psaumes comme la Bible le dit : en battant des mains, et en les levant vers le ciel. »
Au sein de la communauté congolaise catholique, d’autres questions liturgiques sont cependant encore en débat, comme le fait d’adapter le pain et le vin de l’eucharistie à la culture locale. L’utilisation du mil à la place du blé, pour les hosties, permettrait ainsi d’éviter les problèmes d’approvisionnement dans les paroisses, car cette céréale est très cultivée en Afrique.