Nduduzo Makhathini, tête d’affiche du nouveau label Blue Note Africa

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Des notes de piano s’élèvent de la cour abandonnée d’un ancien complexe militaire, en plein centre-ville de Johannesbourg. La mélodie attire les curieux sur leurs balcons et dans la rue, qui découvrent, au centre de cet espace ouvert, un jazzman inspiré, coiffé d’une casquette noire, le corps en mouvement au rythme de son improvisation. Face à lui, treize colonnes de feu s’élèvent régulièrement au gré de son interprétation.

Avant d’entamer une tournée en Europe et aux Etats-Unis, Nduduzo Makhathini était de passage chez lui, en Afrique du Sud. Il en a profité pour se livrer à un concert expérimental, une « cérémonie pour purifier ces lieux » avec la symbolique du feu « qui représente un nouveau départ. »

Car malgré son succès désormais international, le musicien n’oublie jamais ses racines : « Regardez les gens qui sont ici, ils n’ont sans doute pas les moyens d’aller dans les quartiers chics et suivre un festival de musique. Pourtant, c’est notre peuple, ce sont nos pères, nos oncles, nos mères… donc on leur amène la musique, c’est une partie très importante de mon travail. »

C’est aussi le feu et l’embrasement qui ont nourri son nouvel album. In the Spirit of Ntu, sorti le 27 mai, a été conçu au moment des violentes émeutes qui ont secoué le pays l’année dernière. « Lorsque j’étais censé enregistrer l’album, l’Afrique du Sud était en flammes, notamment à Durban et dans le KwaZulu-Natal. Ce n’était pas juste des pillages, cela a exposé les failles du système, qui a toujours été au bord de l’effondrement, depuis des années » explique le pianiste.

« Donc ce sont les sons qui ont émergé de tous ces feux. » Inspiré par le « Ntu », philosophie africaine qui évoque les forces qui nous entourent, Nduduzo Makhathini croit au pouvoir guérisseur de sa musique et à sa capacité à apporter des réponses : « A travers des catastrophes comme l’apartheid, la colonisation, l’esclavage, quelque chose a été perdu, aux tréfonds de notre humanité. Et la musique est là pour le restaurer. »

« Au plus proche de l’évolution du jazz »

Rythmes et percussions entêtants dans les morceaux Unonkanyamba et Mathongo, récitation en zoulou sur fond de contrebasse au début d’Abantwana Belanga, réappropriation du chant de lutte contre l’apartheid dans Senze’Nina : là non plus, Nduduzo Makhathini n’a rien oublié de la culture qui l’a nourri. Et c’est pour célébrer ces nouvelles formes de jazz ainsi que ces tonalités du continent que Blue Note Africa a choisi ce dixième album du musicien sud-africain afin de lancer son nouveau label.

En Afrique, nous sommes au plus proche de l’évolution du jazz » explique Ttale Kentridge, de Universal Music Africa, qui a lancé avec Blue Note cette déclinaison africaine. « Cette maison de disque va contribuer à réinventer la scène musicale sud-africaine et africaine en général. Le bureau principal de Blue Note Africa est en Afrique du Sud, mais nous avons des bureaux mobiles qui opèrent dans différents pays. »

Dialogue entre deux continents

Une logique qui parle aussi à Nduduzo Makhathini, dont Blue Note avait déjà sorti le précédent album, Modes of Communication: Letters from the Underworlds. « Dans un sens, l’arrivée du jazz aux Etats-Unis est le résultat d’un déplacement, depuis le continent africain » détaille l’artiste après sa représentation. « D’une façon ou d’une autre, la mémoire de l’Afrique y a été conservée puis transformée en sons dans ces lieux étrangers. Ces sons ont grandi, sont devenus le jazz, et ont été renvoyés en écho vers le continent africain, donc il y a ce très beau dialogue qui se déroule sur les deux rives de l’Atlantique. »

Il s’agit aussi pour le pianiste d’ouvrir des portes aux prochaines générations. Pour ce nouvel album, le pianiste a d’ailleurs fait confiance et mis en avant les jeunes saxophonistes et trompettistes Linda Sikhakhane et Robin Fassie Kock, et il espère que le label permettra de futures belles découvertes. « C’est vraiment un moment important pour le jazz africain, pour s’exporter à l’international. Les gens sauront maintenant qu’il y a, pour cette musique, cette sensibilité particulière qui vient du continent. »

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