Cameroun : Le mangambeu, un air de sanza, une danse, une culture …

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Des funérailles … Un rythme effréné … Et une jeune danseuse au nom de Mangambeu … Une histoire des plus atypiques qui nous emporte au cœur de la culture bamiléké, où danse et spiritualité s’enchevêtrent à merveille.

« C’est à l’occasion des funérailles d’un notable bangangté, le nommé Mafeun Biatat, qu’un groupe de jeunes dansait notre rythme traditionnel animé par des tam-tam », raconte à l’Agence Anadolu sa majesté Nji Mohnlu Seidou Pokam, roi des chefferies de Bangangté.

« Les personnes qui assistaient aux funérailles, ont été emportés par la danse et le rythme de ces jeunes. Parmi les danseuses, une jeune fille s’était illustrée et avait retenu particulièrement l’attention de l’assistance.

La jeune Dangmi Marie fut la plus applaudie et appelée par l’assistance de son nom « généalogique » en guise d’éloges : « Mangambeu », d’où la naissance de ce rythme et danse chez nous les Bangangtés », poursuit le roi Pokam.

Le mangambeu est une danse et un rythme traditionnels bamiléké de l’ouest du Cameroun. Il est joué par des xylophones et des percussions traditionnelles telle que le sanza par les hommes et dansée par les hommes et les femmes. Les danseurs du mangambeu évoluent à petits pas en se déhanchant et parfois avec le torse penché vers l’avant.

Cette musique accompagnée par sa danse, est née au début des années 1950 dans la ville de Bagangté dans le département du Ndé (région de l’Ouest) à l’initiative d’un groupe de jeunes.

Tout comme dans les sociétés secrètes en pays Bamileké qui ont chacune une danse, le tandem danse-musique a une place importante dans la culture bamiléké. Ce sont deux éléments complémentaires parmi tant d’autres qui forment le socle même de la tradition bamileké. Leur exécution est en fonction de la célébration d’un événement heureux ou malheureux. Il est donc difficile de parler de l’un sans faire allusion à l’autre.

Kleitz Gilles, auteur du livre « Les systèmes de culture en pays Bamiléké (Ouest Cameroun) », relève que « le mangambeu est généralement utilisé pour animer diverses cérémonies et occasions festives, cérémonie célébrant une naissance ou un mariage par exemple ».

Dans les autres chefferies, telles que les Balengou et les Bamena qui composent la grande chefferie Bangangté, le mangambeu, également appelé tchatcho, sert à célébrer des prouesses réalisées par des gens d’exception.

Généralement, le mangambeu se caractérise par une musique modale, oscillant entre deux accords. Malgré cela, on dénote peu d’improvisations instrumentales mélodiques qui laissent plus place à des improvisations rythmiques. Ce qui fait la caractéristique de ce genre est aussi la complexité rythmique et les rôles attribués.

– La sanza, l’instrument fétiche du mangambeu

Le mangambeu se joue avec des xylophones et notamment avec la sanza (piano à pouces traditionnel). Cet instrument met en vibration des lamelles métalliques ou de bambou, fixées sur une planchette de bois avec ou sans résonateur. Les lamelles sont fixées de manière à ce qu’on puisse les faire vibrer avec le bout des doigts (les pouces).

Baguées, on peut faire coulisser les lamelles pour les accorder. On ajoute parfois des bruiteurs à cet instrument, comme des coquillages, des capsules de bouteilles ou des anneaux de fer blanc.

Selon Francis Ndom, musicien camerounais, « seuls les initiés peuvent jouer la sanza car c’est un moyen de communication entre les vivants et les morts » en pays Bamiléké.

« Pierre Didy Tchakounté le précurseur du mangambeu moderne qui avait grandi à Douala, la capitale économique du Cameroun, à Bazou, l’une des chefferies de Bangangté, se met à l’école de ses oncles et ceux-ci lui livrent toute la science et les secrets du ‘belap’, (la sanza).

De retour à Paris où il vivait, Pierre Didy Tchakounte présente l’instrument à ses professeurs du conservatoire qui l’étudient en profondeur et le qualifient de « quintenique » (intervalle de 5 dans l’échelle diatonique) et de « diatonique » (qui possède les tons naturels de la gamme ton et demi-ton).

Dès lors il se lance dans la musique traditionnelle, joue ce rythme de l’ouest Cameroun appelé mangambeu à l’aide de la sanza, enchaîne des tournées et produit des disques donc plusieurs milliers d’exemplaires ont été vendus, ce qui fit de lui à cette époque l’un des rares artistes noirs à être dans le hit-parade européen des musiques », explique Arol Ketchiemen, dans son livre « Les Icônes de la musique camerounaise ».

Au fil du temps, le mangambeu né des années 1950 a connu beaucoup de changements et s’est modernisé.

La musique aujourd’hui est faite le plus souvent pour se faire un maximum de bénéfice, d’argent. Tous les moyens sont bons pour arriver à cet objectif. Le musicien camerounais Pierre Didy Tchakounte (PDT) est le premier à moderniser cette sonorité bangangté au sommet de la chaîne montagneuse de l’Ouest du Cameroun.

– Pierre Didy Tchakounté, le roi du mangambeu moderne

« L’artiste-musicien camerounais Pierre Didy Tchakounté est considéré, à juste titre, comme le père du mangambeu moderne parce qu’il a réussi à créer un mélange harmonieux entre les instruments africains traditionnels et les instruments modernes », estime Zenu Men, président du comité d’organisation du festival mangambeu.

« Ses albums « Mythologie du mangambeu » vendus au Cameroun et à l’étranger, ont valu à ce digne fils de Bangangté le surnom de Roi mangambeu », souligne Nadeige Laure Ngo Nlend, auteur du livre « Voix féminines de la chanson au Cameroun : émergence et reconnaissance artistique ».

Cet artiste au timbre vocal particulier tire son inspiration de la tradition et des instruments africains et a su les mixer à la pop occidentale, créant ainsi un mélange harmonieux entre les instruments africains traditionnels et l’équipement moderne pour produire un mangambeu consommé localement et au niveau international.

« L’originalité de sa musique lui a valu un succès mondial. Le mangambeu en effet, dont il est le promoteur, est l’un des rythmes camerounais probablement les plus difficiles. De son auteur, il exige de la finesse, du tact, de la perspicacité, de l’audace, de la concision et naturellement du talent. On le voit donc, ne devient pas artiste musicien traditionnel qui veut.

Hormis l’apprentissage dans une école ou auprès des artistes de renom, Pierre Didy Tchakounte (PDT) justifie d’un don certain et d’un sens de création et d’adaptation qui donne du relief à son genre de même qu’il extirpe son genre de l’évanescence », nous explique Angoula Angoula, administrateur de la Cameroon music corporation (CMC), régulateur des droits d’auteur.

Le mangambeu sophistiqué et modernisé met définitivement Pierre Didy Tchakounté sous les feux de la rampe. Pierre explose les plateaux de radio et plus tard de la télé, chose rare à l’époque. La mélodie et la profondeur du texte cimentent sa réputation.

Même si grâce à son talent et sa témérité, ce rythme ouest-camerounais exécuté principalement lors des cérémonies funéraires a connu une mutation et une révolution remarquable, il ne s’est pas départi, comme aime à le dire lui-même l’artiste, de son patrimoine sociologique.

Outre Pierre Didy Tchakounté, le mangambeu est développé par d’autres musiciens camerounais tels qu’André-Marie Tala, Tchana Pierre, Manu Dibango et Minks.

SourceAA
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