Les coiffures africaines: symboles politique, social et identitaire

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Les valeurs traditionnelles africaines étaient associées aux coiffures dans les ethnies (coupes géométriques, fractales ou fragmentées), elles traduisaient non seulement un statut social (l’âge, la religion, l’appartenance ethnique, la fortune) mais détenaient une signification spirituelle et même politique. Représentant une activité à part entière, les tribus africaines faisaient preuve de sophistication et de créativité. Le crépu représentait une matière à sculpter, couper, tordre, tresser, orner qui permet d’infinies variantes.

SIGNIFICATION DES COIFFURES AFRICAINES

La coiffure est en Afrique, un langage. Elle était dans certaines civilisations synonyme de prospérité et de fertilité. Ces styles de coiffures se sont développés dans tout le reste de l’Afrique Noire et chez les peuples Peuls, Manding, Dogons, Wolof, Yoruba à l’ouest, Mangbetu, Fang au centre et chez les Masaï… à l’est. Par la suite, chaque ethnie créa son propre style de coiffures avec différentes matières premières : l’argile, le karité, la laine, le raphia, le fil d’or, les coquillages et les perles. Elles ont également servi d’instruments au peuple africain oppressé à travers le monde en permettant d’accélérer des mouvements de libération:

Signification religieuse

Beaucoup d’africains croyaient que les cheveux étaient une façon de communiquer avec l’Être Divin. Selon Mohamed Mbodj, professeur agrégé d’histoire à l’Université de Columbia et originaire de Dakar, au Sénégal, «le cheveu représentait le point le plus élevé du corps, de ce fait plus proche du divin». Beaucoup croyaient qu’un seul brin de cheveux pouvait être utilisé pour lancer des sorts ou infliger des dommages.

Cela explique mieux la célèbre phrase de Mugabe: “C’est dur d’ensorceler une fille africaine de nos jours. Chaque fois que tu amènes un bout de ses cheveux à un sorcier, c’est une brésilienne innocente qui devient folle ou alors une usine en Chine qui prend feu”.

Statut marital

C’était à travers ces designs capillaires qu’on reconnaissait une femme nouvellement mariée, ou encore célibataire. De plus, l’art de la coiffure était aussi un moyen d’expression comme l’amour ou tout simplement le deuil. Dans la culture Wolof du Sénégal, les jeunes filles se rasaient partiellement les cheveux comme un symbole extérieur montrant qu’elles ne faisaient pas la cour.

Par exemple, au Nigéria, les femmes veuves cessaient de s’occuper de leurs cheveux pendant leur période de deuil, de sorte de ne plus être attirantes pour les hommes. Au Bénin, la coiffure était une arme de séduction pour les hommes et les femmes.

Instrument de libération

Les esclaves noirs utilisaient les coiffures comme des cartes leur permettant de s’échapper selon les recherches de la sociologue colombienne de l’Université Nationale, Lina Vargas.

Ces coiffures indiquaient les routes vers la liberté: si le sol était très marécageux, les tropas, c’est-à-dire des petites tresses collées sur le cuir chevelu, étaient tissées comme des ornières ou des sillons. En utilisant des petits chignons, des nœuds et des tresses, les femmes marquaient les éléments du paysage : un arbre, un chemin, une plantation.

Les africains ont également utilisé les tresses pour cacher du riz ou des graines dans les cheveux des adultes et des enfants avant la traversée et la séparation dans les plantations, pour qu’ils puissent manger.

La coiffure afro typique, portée plutôt courte et bouffante, était le symbole de la révolution du Kenya contre l’occupation italienne, au début des années 40

Signification esthétique

Selon Sylvia Ardyn Boone, anthropologue spécialisée dans la culture Mendé de Sierra Leone, «les communautés d’Afrique de l’Ouest admiraient une belle tête de cheveux longs et épais sur une femme. Une femme aux longs cheveux épais démontraient la force de vie, le pouvoir multiplicateur de la profusion, la prospérité, une «pouce verte» pour les femmes abondantes et de nombreux enfants en bonne santé ». Les cheveux devaient aussi être soignés, propres et disposés dans un certain style avec des ornements tels que perles et coquillages de cowrie.

Les pharaons, les scribes et les femmes égyptiennes arboraient une chevelure coiffée en tresses souvent ornementées de fils d’or et d’autres raffinements. De mêmes, les nubiens adoptaient aussi une chevelure coiffée mais en fines dreadlocks.

Les Karamo du Nigeria ont été reconnu pour leur coiffure unique (une tête rasée avec une seule touffe de cheveux gauche sur le dessus).

Signification sanitaire

Certaines coiffures permettaient de protéger la tête des parasites (mouches, poux, etc.). Elles représentaient également dans les ethnies africaines une protection contre les rayons du soleil et du cuir chevelu.

On comprend mieux les vraies raisons pour lesquelles les marchands d’esclave rasaient la tête des africains. Ce n’était en aucun cas pour des questions d’hygiène comme ils le prétendaient. Mais c’était à une tout autre fin : le crâne rasé était le premier pas des européens pour effacer la culture des esclaves et altérer leur relation avec leurs cheveux. On ne pouvait plus distinguer qui étaient les Mandingues, les Igbos, les Fulanis, les Ashantis, etc.

Aujourd’hui, les communautés noires de Quibdo, Condoto, Tumaco et Buenaventura perpétuent la tradition des coiffures africaines.

Elle s’est toutefois diversifiée et ne cherche plus à être un symbole, mais devient plutôt une richesse esthétique.

Les coiffures servent encore à exprimer un langage. Par exemple, au Kenya, les petites filles affichent des coiffures coronavirus pour sensibiliser les gens à se désinfecter les mains et à porter des masques. Cette coiffure n’est pas une nouveauté mais a été remise à la mode par la pandémie.

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