On entre dans Where is home sur la pointe des pieds. Ces notes effleurées de violoncelle, de violon et de piano nous font entendre une mélodie hautement symbolique. En reprenant un chant de lutte face à l’apartheid avec des instruments classiques, Abel Selaocoe se souvient de son enfance passée dans un Township de Johannesburg. Il rend aussi hommage à deux personnes qui ont changé la vie des sud-africains, à savoir Desmond Tutu et Nelson Mandela. « Lorsque je me rends en Europe, lorsque je me produis quelque part dans le monde, c’est grâce à leur combat que je peux le faire » confie Abel Selaocoe. Alors, avec son modèle de toujours, le violoncelliste Yo-Yo Ma, Abel Selaocoe chante à son tour Ibuyile iAfrica, l’Afrique est de retour.
Il est une autre figure qui a changé la vie d’Abel. C’est Jean-Sébastien Bach et ses sarabandes qu’il découvre à l’âge de onze ans, grâce à son frère qui enregistre sur de petites cassettes des concerts classiques donnés à la radio. Fasciné par le timbre du violoncelle, Abel rejoint alors son frère, bassoniste dans un programme d’éducation musical réservé aux enfants des townships. Avec un violoncelle prêté par l’orchestre Abel progresse vite. il entre au conservatoire et finit par faire sienne la musique de Bach. A la maison, sa mère l’écoute en faisant de la couture. Parfois, elle l’accompagne même en chantant quelques cantiques.
Ce n’est qu’après avoir obtenu une bourse d’excellence qui le conduit au Northern College de Manchester qu’Abel Selaocoe renoue finalement avec la musique sud-africaine. En étudiant ses chants traditionnels et ses instruments ancestraux, Il comprend que sa mère avait raison. La musique baroque occidentale et sud-africaine partagent de nombreux points communs. Le timbre d’une kora n’est pas si éloigné de celui d’un théorbe. Une basse obstinée du 17e siècle peut tout à fait accueillir les notes improvisées de son violoncelle qui se souvient de chants traditionnels Tswanas.
A l’écoute de Where is home, on comprend finalement que la maison, le refuge d’Abel Selaocoe se trouve précisément dans ce point de contact entre le classique et les musiques traditionnelles africaines. Un métissage musical qui est au coeur de ce disque mais aussi de ses différents projets. Quand il joue et chante avec le Trio Chesaba, des orchestres symphoniques, des musiciens de jazz et même des beatboxeurs, c’est toujours cette même histoire qu’Abel Selaocoe nous raconte, celle de sa vie.




