UN TALENT PRÉCOCE
Très jeune, Thebe Magugu savait déjà qu’il serait designer. Et après des études de stylisme, photographie et médias de la mode à la Lisof School of Fashion of Johannesburg, il se met le pied à l’étrier en travaillant pour différentes maisons avant de lancer en solo et sous son propre nom avec une première collection dévoilée en 2017. Deux ans plus tard, âgé de seulement 26 ans, il remporte l’édition 2019 du Prix LVMH. Premier designer africain à être distingué par cette récompense, il est également le plus jeune de cette promotion. Une victoire qui lui ouvre grand les portes du succès mais qu’il entend bien transformer en quelque chose de plus collectif. « Ce n’est pas seulement moi qui pénètre, grâce à ce prix, dans certains cercles : c’est aussi cette jeunesse du continent dont on méconnaît encore talent et savoir-faire, expliquait-il à ce sujet à « Marie-Claire » en 2020. Je suis heureux pour moi, bien sûr, car c’est un formidable encouragement, ému d’avoir été choisi par des “grands” du luxe, mais je suis aussi heureux de la portée symbolique de ce choix. Mon parcours doit servir à ce que d’autres jeunes Africains se disent : moi aussi je peux le faire, qu’importe le pays, le milieu d’où l’on vient. Je veux renvoyer l’ascenseur. »
Proposant une vision très structurée dès ses débuts, Thebe Magugu s’est également démarqué en se servant des nouvelles technologies afin de mettre en lumière le parcours de ses créations. Apposée sur chaque vêtement, une puce permet en effet de connaître l’histoire du vêtement ainsi que sa provenance et le contexte dans lequel il s’inscrit.
UN DESIGNER ENGAGÉ
Pour se donner les moyens de ses ambitions, le créateur a choisi d’installer son studio à Johannesbourg. Originaire de la ville de Kimberley, le designer a tenu à continuer à opérer depuis l’Afrique du Sud. « C’est d’ici que je veux faire changer les clichés sur l’Afrique, changer le regard sur les Africains et la mode africaine. J’ai toujours été ancré dans la réalité, je ne vais pas changer. Je veux créer en Afrique, avec des matières premières venues de ce continent. Je veux que les gens se disent “Je porte ‘physiquement’ quelque chose de l’Afrique” en arborant ma marque. Ma base est ici. C’est un honneur de rendre à ma communauté ce qu’elle m’a donné, notamment aux femmes », expliquait-il y a quelques années encore.
Célébrées par ses designs, ces dernières sont sa plus grande inspiration. Celles qui l’entourent tout d’abord, mais aussi celles qui font l’actualité, les grandes figures du féminisme et celles qui luttent pour l’égalité et pour un monde meilleur. Pour elles, il imagine des pièces à la fois élégantes et taillées pour le quotidien. Réputé pour sa capacité à s’entourer des artistes les plus en phase avec sa vision, il n’hésite pas à apposer leurs œuvres sur ses modèles. En mai dernier, il faisait par exemple appel à l’illustratrice Phathu Nembwili pour son « Heritage Dress », une collection de huit robes en crêpe ornées de dessins rendant hommages aux huit cultures sud-africaines.
Également désireux d’offrir une plateforme aux photographes, journalistes et autres créatifs qui l’entourent, sa « Faculty Press », publiée sur son site internet, met en avant des lieux et des talents bien trop souvent oubliés.
UN CRÉATEUR DEMANDÉ
Mais il n’y a pas qu’au sein de sa maison que Thebe Magugu fait des étincelles. Maître ultime de la collab, il est le créateur que les autres griffes s’arrachent, heureuses de voir leurs codes revus par son prisme unique. Plus tôt cette année, le designer s’est ainsi illustré en devenant le premier « Amigo » de la maison AZ Factory à présenter une collection pour la griffe. Fidèle à ses valeurs, il a une fois de plus mis l’Afrique et ses talents au cœur de cette ligne. « La question que je me suis posée et que j’ai posée à l’équipe de création est la suivante : “Et si l’Afrique était le lieu de naissance de la Haute Couture ?“ », expliquait-il à l’époque. Cet été, c’est adidas qui lui a proposé une collection à quatre mains tandis que la maison Dior a annoncé il y a quelques jours seulement qu’elle avait collaboré avec le designer pour une ligne aux accents caritatifs. Revisitant son iconique New Look, la collection est également l’occasion de mettre en lumière l’association Africa Outreach Project, fondée par l’actrice Charlize Theron et qui œuvre pour la prévention du SIDA et un meilleur accès à l’éducation en Afrique du Sud et qui a bénéficié d’un don par la griffe parisienne.