Au Canex Weekend, les acteurs de l’industrie cinématographique ont discuté des moyens d’atteindre une audience internationale. Pour eux, il est important que les films africains soient disponibles sur les plateformes internationales parce qu’ils permettent au continent de communiquer sa vision du monde. « L’Afrique ne veut pas juste raconter son histoire, mais le faire avec qualité et excellence, la raconter d’une manière qui lui permet de traverser les frontières. Parce que le pouvoir de nos histoires, c’est de permettre d’afficher notre vision du monde dans un environnement international et que les autres puissent mieux connaître l’Afrique », a déclaré le cinéaste Nigérian Femi Odugbemi.
Malgré tout, les histoires africaines ont encore des difficultés à accéder à une audience internationale, celle-là même à laquelle le continent doit afficher sa vision du monde. Pour le kényan Zippy Kimundu, cinéaste chez Afrofilms International, « sans succès sur le marché local, le cinéma africain aura du mal sur le marché international ». « Regardez le succès de styles musicaux africains comme l’Amapiano ou l’Afrobeats, ils sont devenus des succès internationaux parce qu’ils ont eu du succès au plan local. Je pense que nous devons déjà résoudre les difficultés à atteindre le marché local. C’est ce qui a fait le succès de Nollywood par exemple », a-t-il ajouté.
Pour l’Ivoirien Fabrice Sawegnon, PDG de Life TV, il y a une « distorsion culturelle portée par les médias et de nombreuses autres plateformes ». « Regardez les thèmes des anniversaires de nos enfants : la reine des neiges, Dragon Ball Z ; après il ne faut pas être étonné que l’Afrique soit très en retard sur sa capacité à montrer sa culture au monde et à en profiter », a-t-il déclaré. Pour lui, les films et le contenu audiovisuel ont une importance dans le soft power des pays. « Je dis souvent à des amis. La Chine est peut-être la première économie au monde, mais il n’y a aucun de nos enfants qui veut ressembler à des Chinois, ils continuent de vouloir ressembler à des Américains ou à des Français », a-t-il poursuivi. Pour l’Ivoirien, il est important d’accompagner et d’imposer une culture forte au niveau local. La productrice béninoise Christianne Chabi Kao est également de cet avis. « Pendant longtemps on nous a opposé la qualité de nos productions et maintenant nous sommes en train de gagner ce pari et on se rend compte que le problème demeure », at-elle déclaré.
Pour elle, la façon dont un Béninois manifeste le deuil n’est pas forcément la même que celle d’un Japonais ou d’un Américain et c’est cette originalité qu’il faut retrouver. « Pendant longtemps j’ai entendu dire « c’est un bon scenario mais il n’est pas universel ». Il est universel mais ils veulent que ce soit leur universalité et ça ne peut plus continuer comme ça », déclaré la Béninoise. Son point de vue rappelle un problème évoqué lors des Adicomdays 2022 par la scénariste nigériane Kemi Adetiba, lors d’un panel sur le storytelling africain. « On accuse souvent nos acteurs de surjouer certaines émotions comme la tristesse, alors que nous n’exprimons simplement pas ces émotions de la même façon que les Occidentaux », avait expliqué la réalisatrice de la saga à succès « King of Boys ».
Pour Christiane Chabi Kao, les cinéastes doivent créer des films conformes à leurs publics, pour générer des revenus sur le marché local, « mais aussi pour les éduquer à accepter leur originalité et tout ce qui fait leur culture ».
Les experts présents ont également encouragé les cinéastes africains à collaborer. Il faut rappeler que selon les Nations Unies, l’Afrique sera le continent le plus peuplé d’ici 2050, devenant un marché de choix pour les industries cinématographiques du monde entier.