« Laissez-moi, présentez toute ma famille. C’est mon premier album ! », plaisante Suspect 95 à deux doigts de descendre du podium et d’écarter lui-même une foule des grands soirs venue l’écouter, lui et sa Société Suspecte avec laquelle il a tease son monde depuis plusieurs semaines déjà à coups d’opération marketing (émission de cartes pour membres du Syndicat notamment), pour faire monter ses proches. Retour sur une soirée découverte.
À ABIDJAN, IL FAIT SHOW
Les énormes embouteillages affreux qui énervent matin/midi/soir des abidjanais pressés de rentrer chez eux semblent plus cléments en ce premier jour de la semaine. En attendant de faire un nouveau pont, ceux qui travaillent, au Plateau notamment, peuvent apprécier l’état d’avancement de celui qui relie le quartier d’affaires abidjanais à Cocody Deux-Plateaux. C’est justement dans cette zone d’Abidjan-Nord que l’événement de la soirée a lieu : la release party de Suspect 95.
La rue qui mène à la Fondation Donwahi, havre de paix pour télétravailleurs qui aiment s’asseoir dans le fond, avec ombres et formes qui défilent devant eux, et repère de modernes écrivains sarcastiques, dont la dernière œuvre, Cocoaïans, figure en bonne place dans le hall d’entrée, est animée.
Camion mobile à quelques mètres de la grande porte du bâtiment, gros bras qui se changent pour enfiler des tee-shirts à l’effigie de Société Suspecte, qui se sont rapidement vendus comme des petits pains lors d’une vente exclusive, invités qui arrivent au compte-gouttes et présentent l’invitation papier ou digitale. Ce soir, ça sera chaud.
Le lieu du crime de Suspect 95 lui est situé dans un jardin annexe.
De traditionnels serveurs, chemise blanche et pantalon noir, se promènent entre les heureux élus.
L’insoutenable chaleur abominable force/oblige/pousse certains à tomber la veste. D’autres persistent et signent pour la sapologie en tout temps, en tout lieu. Pitchou de Castelbajac likes this.
Quant aux gorges qui crient « Eau secours », elles sont sauvées par ce liquide transparent. Et pendant ce temps-là, nombreux sont ceux qui préfèrent plutôt de l’alcool d’une certaine marque. Ainsi va la vie avec Hennessy.
Serge Beynaud, Kiff No Beat, Teeyah, etc. Le DJ fait revisiter à un public bon enfant ses classiques. Il est un peu moins de 20 heures 30, quand commence la release party initialement annoncée à 19 heures.
USUAL SUSPECT
Le demi-cercle qui s’est formé autour de la scène réagit quand Emmanuel Guy, son vrai nom, débarque, affublé de sa demi-dizaine de danseurs. La foule hurle de joie.
Lunettes de soleil vissées sur le nez, fines chaînes qui balancent au rythme des pas de danse de leur propriétaire, sourire sur le visage, l’artiste signé chez Universal Music Africa est content d’être là, le public aussi.
Créateurs de contenu qui immortalisent le moment quand ils ne vivent pas leur best live sur leur compte, collègues rappeurs noyés dans la masse malgré une barbe digne d’un enfant de Barbarita, mais aussi personnalités publiques, chefs et cheffes d’entreprise, ou encore journalistes, sneakers addicts, etc. Tous sont là et vibrent.
Suspect 95, lui, a…chaud. Alors, le longiligne rappeur noir tombe la veste couleur vert olive qui le couvrait pour enfiler un gilet sans manches beige. Ça y est : le show est lancé ou plutôt relancé.
Kpaflotage, où les bonimenteurs, les kpafloteurs, hommes et femmes confondus en prennent pour leur grade, Oui ou non, dans lequel il révèle l’identité de celui qui rend la Société Suspecte, etc.
Les titres déroulent et l’ambiance monte jusqu’à celui qui aura 28 ans le 15 août prochain offre une séquence émotion à ces mélomanes. La tête hochant de haut vers le bas, ils paraissent avoir oublié la chaleur.
« J’ai écrit un son pour toi, Maman, avec des aw en fond sonore. Tu ne sais pas, je ne sais que tu ne sais pas mais c’est mon son préféré de l’album. » Parce que Maman rappelle Dis-lui, qu’il avait courageusement interprété lors de son concert du 27 mars 2021, pour rendre hommage à sa compagne défunte, l’émotion manque le rattraper derrières ses lunettes de soleil et nous aussi avec. Encore plus quand le fils tombe dans les bras de la mère. Mais de Lotus, de mouchoirs blancs de cette célèbre marque, personne n’en sort.
À l’inverse, ce qui sort par contre, ce sont des billets de banque que deux personnalités publiques, dont une adepte des live et l’autre parrain du mouvement des enfants, balancent en guise de travaillement.
Et pourtant, le concert pour les vingt ans de carrière de Molaré, c’était deux jours auparavant. Il y a certaines choses qui ont la peau dure pour tout le reste, il y a Masterclass.
Oui, c’est une chose d’écouter Soumanleh, sample de Victoire, sur lequel il s’amuse avec l’inclassable Tchaikabo, le tout sur une production de Mister Behi, on the beat, mais s’en est une autre de l’entendre en live.
Le son a beau être sorti, il y a quelques jours seulement, tout le monde ou presque maîtrise la chorégraphie et sort ces petits pas de lôgôbi, option balayage de la gauche vers la droite. Ounan kounan kounan nanhoun. Point final d’une release party presque faute malgré des problèmes de sons au début de sa prestation.
ET MAINTENANT L’ALBUM
Un petit tour et s’en va ? Non. Suspect 95 revient sur scène. Puis vient la séance des remerciements à son comptable de frère mais pas sur le marché. « Et, il est marié hein ! », coupant l’herbe sous le pied d’éventuelles intéressées entreprenantes. Mais aussi, sa grande sœur, son beau-frère, etc.
Puis, c’est au tour de ses amis, parmi lesquels celui qui « l’a toujours soutenu mais qui ne lui disait pas la vérité », raison pour laquelle le petit Suspect est devenu grand, et enfin ces fans de la première heure qui « connaissent ses actualités mieux que lui-même ». Quand il quitte finalement la scène sur laquelle Jean-Christophe Belliard, l’ambassadeur de France, a ébauché autant que faire se peut des pas de danse, il n’a oublié personne pas même ces autres personnalités publiques qui étaient bien cachées dans la masse.
Sur le chemin qui mène à la sortie, face aux œuvres réalisées par des peintres qu’il a sollicités pour accompagner originalement son projet musical, quelques-uns network, d’aucuns se livrent à un exercice de gbairai, commérages en VOSTFR.
Telles ces équipes NBA obligées de jouer au Disney World d’Orlando, pour cause de COVID-19, un cercle réduit d’hommes est dans sa bulle. Parmi ceux qui entourant l’artiste du soir, qui paraît les écouter sagement, il y a notamment le directeur du label Universel Music Africa, Pit Baccardi. Après une release party suspecte, On fait les choses, on s’arrange.
Reste maintenant à Suspect 95 à bien ranger cette soirée-là dans ces souvenirs et de se préparer à ce que sa Société Suspecte, disponible sur toutes les plateformes de streaming, fasse « péter Spotify, Deezer […]». Lui qui a à un moment donné a ironisé : « Laissez-moi, présentez toute ma famille. C’est mon premier album ! »