Irving Plaza, New York, 29 mai dernier. La salle est comble pour assister au concert de Dadju. Le public monte en température avec une artiste de 24 ans, qui n’a pas froid aux yeux en première partie : Fadi. Elle pose sa voix et ses lyrics en zarma pour son titre phare Aban, langue de son pays d’origine, le Niger, et fait vibrer les 1700 personnes présentes dans la salle. « Ça reste l’un des meilleurs moments de ma jeune carrière jusqu’à présent, parce que j’ai pu chanter devant un public qui me découvrait, et qui a aimé mes sons, mais aussi car j’ai pu me produire dans l’une des meilleures salles de la ville. Je profite de chaque instant depuis que je suis une artiste, et ce genre d’opportunités montre aussi que le travail réalisé jusqu’à présent paye! », sourit-elle au souvenir de cette soirée. Le long chemin de la jeune Nigérienne jusqu’aux salles mythiques de la Grosse Pomme n’a pourtant pas été une évidence pour celle qui veut se faire un prénom dans le milieu.
Né à Abuja en 1998, la jeune Fadimatou démarre sa vie au Nigeria, dans une famille où le père, militaire de carrière, y est en poste à ce moment-là. Elle passe les cinq premières années de sa vie dans le pays le plus peuplé d’Afrique, et initie sa scolarité au lycée français Marcel Pagnol. En 2003, la famille déménage à Niamey, et la jeune fille retourne sur la terre de naissance de ses parents, et s’initie à la musique à l’école. « On n’était pas une famille qui écoutait de la musique en permanence, on écoutait de temps en temps quelques CD que mon père ramenait de ses missions à l’étranger. Mais, je ne viens pas d’une famille de musiciens », se souvient-elle. « Ma révélation pour la musique est arrivée lorsque j’ai débuté ma scolarité au Lycée La Fontaine, à Niamey. Je devais lire une poésie et la chanter, et ma sœur m’a dit ‘mais tu sais chanter toi ?’ sur le ton de la rigolade, et ça m’a plu ! Depuis, je n’ai pas arrêté de chanter même si je ne savais pas encore que je deviendrais une artiste ».
Fadi chante partout, quand elle le peut, et trouve en cela un mode d’expression de ses émotions et des sentiments. Elle vit 8 ans dans « mon pays, mon chez-moi » comme elle adore le dire, puis la famille doit de nouveau déménager. Le clan traverse l’Atlantique et s’établit à New York, en 2011, alors que la jeune fille est adolescente. L’adaptation à la vie américaine n’est pas compliquée pour celle qui a déjà de bonnes bases en anglais après ses premières années au Nigeria. La créativité de la jeune Africaine est plus que jamais stimulée. « Beaucoup d’influences africaines convergent ici. C’est une inspiration constante, et je mélange cela avec Niamey et mon Niger, qui sont aussi parmi mes principales sources d’inspiration musicale, car je ne veux jamais oublier d’où je viens », décrit-elle. Elle chante et danse aux sons de Nicki Minaj, mais aussi de Rihanna et de Teyana Taylor, et commence en 2016, à poster des covers de titres de plusieurs artistes africains sur sa page Instagram, dont Tiwa Savage, dont elle attire l’attention et qui lui envoie quelques mots de motivation et des éloges sur sa voix et son talent.
Des rêves de concert au Niger
Après avoir attiré l’attention de certains grands artistes du continent, Fadi, décide de poster ses premières compositions, poussée par ses amis qui « en avaient marre de mes covers et qui me disaient de chanter mes propres titres », rigole-t-elle encore aujourd’hui. En 2019, elle écrit, enregistre et mixe elle-même son premier single, Slow Down, inspiré par un son de Wizkid, l’une de ses idoles. « Je ne m’attendais à pas grand-chose, j’avais galéré avec le processus de réalisation de mon titre car c’était une première pour moi, mais lorsqu’il est sorti, il est tout de suite cartonné au Niger, et les gens ont commencé à savoir qui j’étais au pays.C’était une première satisfaction », précise-t-elle. Elle ne se fixe pas d’objectif, fait de la musique pour l’amour des sons et des mots, « sans penser, à l’époque, que je puisse devenir une artiste et en faire mon métier ! Je continue donc sur ma lancée après le succès de mon premier single », explique-t-elle. Le nombre de fans augmente à vue d’œil, et elle assimile les ficelles du métier progressivement, elle, qui n’a fait aucune école de musique, ni conservatoire ou n’a jamais appris à se produire sur scène.
En 2021, l’un de ses voisins ghanéens, très impliqué dans le monde artistique africain de New York, arrive à lui décrocher une date à…S.O.B, Sounds of Brazil, une salle réputée dans le sud de Manhattan. « Je lui ai dit qu’il était fou ! Pour ma première sur scène, il m’a donné une chance en or, mais dans une salle très réputée, avec un public de grands connaisseurs. J’avais un peu le trac », se rappelle-t-elle. « Je me suis préparée comme jamais, je ne voulais pas gâcher cette opportunité et je voulais montrer de quoi j’étais capable. Cela a été une soirée folle, les gens ont aimé ! ». Elle reçoit de très bonnes critiques de journalistes musicaux, mais aussi de fans, qui lui font savoir via ses réseaux sociaux. Elle reçoit de nombreuses sollicitations, se produit sur le campus de City College, puis Adekunle Gold l’invite à faire sa première partie dans le mythique Apollo Theater d’Harlem. « Je n’avais aucune expérience de scène et je me retrouve en quelques semaines à faire S.O.B et Apollo Theater, c’était juste fou ! Il m’avait repéré avec les covers que j’avais faites par le passé, et il aimait bien ma voix, donc il m’a dit ‘lâche-toi !’, et j’ai ouvert son concert », se rappelle-t-elle. La jeune Nigérienne écoute les précieux conseils de l’artiste de Lagos, qui lui prédit un avenir brillant et lui conseille de saisir l’opportunité qui lui est donnée pour s’installer durablement dans le monde du spectacle. « Quand on reçoit des conseils d’artistes aussi connus que lui, on ne fait qu’écouter. Je suis toujours à l’écoute d’avis, de critiques constructives, car je veux devenir incontournable dans le milieu », précise-t-elle.
En août 2022, après plusieurs mois de travail, elle publie son premier album Am ready, dont le titre phare Aban cartonne sur la côte est des États-Unis et au Niger. « Aban, qui veut dire ‘c’est fini’ en zarma, c’est un titre qui me tenait à cœur, car je voulais rendre hommage à mon pays, le Niger », explique-t-elle. « J’ai halluciné, car le son était écouté par tout le monde là-bas. Ça m’a fait chaud au cœur de voir que mes compatriotes l’appréciaient. J’ai eu beaucoup de très bons retours de fans américains, même s’ils ne comprenaient pas les paroles ! » sourit-elle. Mais cinq jours après la sortie de l’album, sa sœur ainée décède. Elle pense à mettre fin à sa carrière : « Je voulais arrêter. Ça a été très dur à vivre. Mais, je me suis rappelée ses mots de soutien. Et l’amour de mes proches, des fans, ça m’a fait changer d’avis ». Invitée à se produire sur les plateaux des plus grandes radios urbaines, dont Power 105, LA station la plus suivie de New York, Fadi voit donc sa carrière décoller, entre collaborations et premières parties : « Je travaille sur des grands projets et j’aimerais me produire au Niger également. Je ne peux pas en dire beaucoup plus, mais il y a de fortes chances que je fasse la première partie de Rema, lors de ses dates new-yorkaises à la fin du mois du juillet… », glisse-a-t-elle.