RFI Musique – Pourquoi avoir choisi les mots plutôt que la musique ou une autre forme d’art ?
Lydol : Je pense profondément qu’il y a dans les mots, quelque chose qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs. Et j’ai eu la chance d’avoir été très timide et introvertie. Alors j’écrivais mes émotions et tout ce que je n’avais pas le courage de partager autour de moi. Aujourd’hui, je m’en sers comme un métier, un art, une passion, mais aussi et surtout comme une arme.
Comme une arme, c’est-à-dire ?
Oui. L’idée que j’essaye de partager au travers des mots, c’est de pouvoir apporter aux gens ce dont ils ont besoin à un moment clé de leurs vies. À tous ceux qui manquent d’amour ou d’espoir, j’écris des mots de réconfort, des mots d’amour et des mots de compagnie pour des personnes qui traversent des phases de solitude.
C’est de cela dont il était question dans le premier album Slamthérapie ?
Oui. Ça a été une graine que j’ai semée et aujourd’hui, je découvre la réelle portée de ce que j’ai pu mettre sur pied. Au départ, je voulais juste partager la façon dont le slam a changé ma vie. Grâce à cela, j’ai pu créer une association pour les personnes en situation de fragilité, qui a véritablement un effet sur les gens, dans la vie de tous les jours.
À l’ère où les afrobeats sont rois, vous n’avez pas eu peur que le slam soit considéré par le grand public comme un art trop élitiste ?
Depuis 2010, l’année où on a commencé, je trouve qu’il y a une bonne avancée. Aujourd’hui, moi, je me sers des autres rythmes comme des tremplins pour pouvoir faire découvrir le slam que je pratique et que j’aime, à des personnes qui n’auraient jamais écouté le slam à la base. Pour intéresser les gens, il faut leur parler un langage qu’ils comprennent pour pouvoir les conquérir et montrer ce qu’on sait faire. C’est aussi ça mon combat : déconstruire l’idée préconçue que le slam est trop intellectuel, qu’il faut avoir fait de longues études pour l’apprécier. C’est avant tout, une expression honnête de qui on est, un flot d’émotions.
Le grand public vous a découvert avec la chanson Le Ndem. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Cette chanson très engagée me définit vraiment. À la base, ce n’était pas une chanson, c’était juste un interlude interprété en « franglais », un langage hybride populaire au Cameroun. Mon défi était de pouvoir faire entendre cette chanson à mon petit frère par exemple. Beaucoup de personnes se reconnaissaient dans ce que je disais. Elle m’a aussi ouvert les yeux sur ce que les gens aiment dans le slam : trouver l’élément auquel ils s’attachent. Et cela passe par la thématique abordée. Le Ndem a littéralement changé beaucoup de choses dans ma façon de prévoir l’art.
Auriez-vous pu faire du slam dans votre langue maternelle ?
(rires) Ma langue maternelle, c’est le medumba. Il m’est déjà arrivé de faire des textes en d’autres langues, y compris la langue de mon père. Mais le français est la langue par laquelle mes émotions s’expriment le mieux et on l’a étudié à l’école. On a grandi avec elle.
Dans la chanson Jamais assez, vous vous êtes révélée chanteuse. Vous n’avez pas été tentée de continuer dans ce sens ?
C’est la première chanson dans laquelle je chante. Pour la petite histoire, à chaque fois que j’écrivais une chanson, j’enregistrais le refrain en studio, puis, je faisais appel à une chanteuse et on effaçait mes voix pour qu’elle chante par-dessus mes paroles. J’ai voulu faire la même chose pour Jamais assez, car dans certaines parties, on entend le sanglot dans ma voix. Mais mon ingénieur du son m’a convaincue qu’il ne fallait rien changer puisqu’elle était vraiment puissante. Les commentaires que j’ai reçus après la sortie m’ont confortée dans l’idée que l’imperfection peut donner un beau rendu. Je suis entière dans ce que je fais et j’ai besoin de ressentir les choses pour les écrire.
On vous sent ému même en racontant cette histoire….
Oui, car je suis une hypersensible. Ce n’est pas facile au quotidien, surtout dans un environnement dans lequel l’on se doit d’être forte. C’est un challenge pour nous les femmes. Même si je pleure quand j’écris, je vais toujours dénoncer avec la dernière énergie. Il y a des jeunes femmes qui me prennent pour modèle. La difficulté, c’est de toujours frayer le chemin, essentiellement dans le slam, où il a fallu d’abord éduquer les gens pour qu’ils acceptent cet art. Si j’avais choisi le bikutsi, ce serait beaucoup plus simple (rires)
Avec toutes les activités que vous avez au quotidien et tout ce que vous avez déjà réalisé, que vous reste-t-il encore à faire ? Sachant que vous travaillez en artiste indépendante…
En ce moment, je travaille sur un livre qui va sortir bientôt. Il y a également mon troisième album qui est en préparation. C’est aussi cela la raison de ma résidence artistique ici en France. Avoir le temps de créer. J’aimerais pouvoir mettre sur pied, une académie pour que les jeunes puissent apprendre et découvrir l’art au travers d’évènements. C’est déjà le cas au Cameroun avec deux festivals, dont le Slam’Up qui est un évènement nomade mêlant le stand up humoristique au slam. On va dans toutes les villes du Cameroun à la rencontre des gens. La plateforme PluriElles est consacrée aux femmes, car je pense qu’il faut vraiment leur donner la parole.
Pour finir, à quoi peut-on s’attendre pour votre spectacle du 27 juillet dans la salle Les Trois Baudets ?
Si vous étiez au concert Ça Came du Camer, sachez que c’était juste un avant-goût de ce que vous verrez ce 27 juillet. Il y a de nombreux artistes invités, je vous réserve la surprise. Ce n’est pas seulement un concert, c’est une expérience hybride avec du conte, de la danse, du théâtre. L’idée, c’est de montrer ce côté hybride de la scène. Il y aura bien évidemment des titres du premier et du deuxième album, mais aussi des textes inédits.