Sommet De l’Agoa : Les Relations Commerciales Entre l’Afrique Et Les États-Unis Au Milieu Du Gué

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L’Afrique du Sud accueille à partir de ce 2 novembre un sommet centré sur les échanges économiques et commerciaux du continent avec les États-Unis, après des polémiques ces derniers mois autour de la proximité de Pretoria avec Moscou, qui ont suscité des tensions avec Washington. Membres du gouvernement américain et ministres du Commerce et de l’Industrie de la quarantaine de pays africains éligibles à la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (African Growth and Opportunity Act, Agoa) sont réunis jusqu’à samedi à Johannesburg.

La capitale sud-africaine a également récemment accueilli le 15e sommet des Brics, qui a décidé d’élargir le groupement du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud à 11 États membres. L’élargissement doit renforcer le rôle des Brics en tant qu’alternative géopolitique à l’Occident, dominé par les États-Unis.

L’Agoa, approuvée par le Congrès américain en 2000, est la pierre angulaire de la politique économique et commerciale des États-Unis sur le continent. Le dispositif permet à des pays d’Afrique subsaharienne – 35 aujourd’hui – de ne pas payer de droits de douane pour exporter leur production sur le sol américain.

Ce traitement commercial préférentiel est toutefois soumis à des conditions en termes de pluralisme politique, de respect des droits humains et d’État de droit. La Maison-Blanche a annoncé cette semaine le retrait de la République centrafricaine, du Gabon, du Niger et de l’Ouganda. Le Congrès américain doit encore valider cette décision. Le sommet annuel doit notamment plancher sur la prolongation de l’accord qui expire en 2025. Le sénateur de Louisiane John Kennedy a récemment présenté un projet de loi au Congrès américain visant à prolonger l’Agoa de 20 ans supplémentaires jusqu’en 2045. Pour de nombreux experts, il s’agirait d’une tentative de contrer l’influence croissante de la Chine en Afrique.

Le délicat jeu d’équilibriste de l’Afrique du Sud, première bénéficiaire de l’Agoa
Le choix de l’Afrique du Sud comme pays hôte est « un signe de notre engagement dans nos relations bilatérales », a souligné auprès de l’AFP Joy Basu, sous-secrétaire d’État adjointe des États-Unis au bureau des Affaires africaines. Washington a « apprécié que l’administration Ramaphosa mène une enquête sur les préoccupations soulevées », a-t-elle ajouté. En mai, l’ambassadeur américain à Pretoria a accusé l’Afrique du Sud d’avoir fourni un soutien militaire à la Russie, en dépit de sa neutralité déclarée dans le conflit avec l’Ukraine.

Une enquête d’une commission indépendante sud-africaine a conclu qu’aucune preuve ne permettait d’affirmer qu’un navire a transporté des armes du pays d’Afrique australe vers la Russie. Des parlementaires américains ont toutefois appelé à ce que Pretoria, qui a refusé de condamner Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine, ne bénéficie plus d’avantages commerciaux. « L’Afrique du Sud est tout à fait éligible à conserver ses avantages au titre de l’Agoa », a affirmé Mme Basu.

Il faut dire que les chiffres sont éloquents, l’Afrique du Sud étant le premier bénéficiaire de l’accord Agoa.

Les échanges au titre de l’Agoa représentent, aujourd’hui, 21 % des exportations de l’Afrique du Sud vers les États-Unis, et sont passés de 2 à 3 milliards de dollars entre 2021 et 2022. Les exportations vont des pièces automobiles aux matières premières, en passant par les pierres précieuses. « L’Agoa a joué un rôle essentiel dans le renforcement des liens économiques et la promotion de la croissance et du développement sur le continent africain », a souligné jeudi la présidence sud-africaine dans un communiqué.

Sans compter que le stock d’investissements sud-africains aux États-Unis a plus que doublé depuis 2011, pour atteindre 3,5 milliards de dollars en 2020. Les investissements directs étrangers (IDE) américains en Afrique du Sud ont augmenté de plus de 70 % au cours de cette période, pour atteindre 10 milliards de dollars. Mais la Chine est le plus grand consommateur d’exportations de matières premières sud-africaines et a donc une influence clé sur le taux de change du rand, la monnaie du pays.

La poursuite de l’Agoa sous sa forme actuelle fait débat
De plus en plus d’experts et d’économistes s’interrogent sur la poursuite du programme tel quel. En effet, pour beaucoup, la suppression de l’accès à Agoa en raison de préoccupations en matière de droits de l’homme pénalise les populations. L’Éthiopie, par exemple, a perdu son statut de bénéficiaire de l’Agoa en janvier 2022 à cause des « violations flagrantes des droits de l’homme internationalement reconnus » pendant la guerre dans la région du nord du Tigré. Ce pays d’Afrique de l’Est faisait du commerce dans le cadre du programme depuis 2000, avec quelque 200 000 personnes employées, pour la plupart des femmes, directement employées dans les deux industries d’exportation les plus prospères de l’Agoa, l’habillement et le cuir.

Les exportations de l’Éthiopie vers les États-Unis sont passées de 28 millions de dollars en 2000 à environ 300 millions de dollars en 2021, dont près de la moitié dans le cadre de l’Agoa. Toutefois, le retrait du pays de l’accord Agoa a entraîné la perte d’emploi d’environ 100 000 personnes, selon l’ancien négociateur commercial en chef de l’Éthiopie, Mamo Mihretu.

Autre sujet de débat : dans le cadre de l’Agoa, les pays africains doivent supprimer toutes les barrières commerciales aux importations américaines, une injustice pour les experts, car d’autres États, tels l’Inde et le Brésil, ne sont pas obligés de faire de même pour bénéficier d’un accès en franchise de droits à l’immense marché américain.

Sans oublier, la problématique autour du secteur de l’habillement. En juillet 2018, l’ancien président américain Donald Trump a suspendu le droit du Rwanda d’exporter des vêtements en franchise de droits dans le cadre de l’Agoa, après que ce pays d’Afrique de l’Est ait interdit l’importation de vêtements de seconde main. La décision de Kigali faisait suite à un accord adopté par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) en 2016, visant à interdire les importations de vêtements usagés d’ici à 2019 afin de stimuler les entreprises locales de fabrication de vêtements.

Washington doit, de plus, s’adapter à la création d’une zone de libre-échange africaine, la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine), et répondre aux demandes de transferts de technologies pour des pays qui ne souhaitent plus être de simples exportateurs de matières premières. L’un des enjeux sera d’adapter l’Agoa aux nouveaux secteurs en plein boom en Afrique, notamment les nouvelles technologies.

SourceLe Point
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