L’ancien international Samuel Eto’o, désormais président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), n’est pas près d’oublier l’accueil réservé aux Lions indomptables en Libye du 18 au 21 novembre. Mardi, les quintuples champions d’Afrique ont affronté les Chevaliers de la Méditerranée à Benghazi, à l’occasion des qualifications pour la Coupe du monde 2026. « Nous avons assisté, médusés, à la violation des règles d’accueil et de fair-play », a dénoncé le dirigeant dans un communiqué sur la page Facebook de la Fecafoot, évoquant « une atmosphère d’hostilité en rupture avec les nobles valeurs du football ».
Le site camfoot.com avait évoqué plus tôt les conditions d’hébergement de la sélection nationale. Le quartier de Benghazi où était situé son hôtel aurait été privé d’eau et d’électricité pendant deux jours, et l’accès à Internet restreint. Lors de la rencontre, des cris de singe ont visé les joueurs, fréquemment aveuglés par des lasers. Samuel Eto’o se serait par ailleurs vu refuser l’accès à la tribune présidentielle. La Fecafoot envisagerait, selon plusieurs médias camerounais, de déposer une plainte auprès de la Confédération africaine de football (CAF).
Tout juste rentré en France, Fabrice Ondoa, le gardien de but des Lions indomptables et de Nîmes, a confirmé au Monde le traitement « affreux » infligé aux Camerounais, dès leur arrivée le 18 novembre. Non seulement l’hébergement et l’alimentation étaient « vraiment très moyens », mais « ce fût pire lors du match, relate le portier international. Notre hymne national a été sifflé et coupé. J’ai reçu des bouteilles d’eau, dont une sur le crâne, car le filet de protection entre le terrain et une tribune était déchiré. »
Fabrice Ondoa confirme également les cris de singe : « J’y ai eu droit et des coéquipiers également. Les lasers, c’était sans arrêt. C’est insupportable, mais surtout dangereux. Nous l’avons signalé au quatrième arbitre, mais il n’a rien fait. Je ne sais pas ce qui se serait passé si nous avions gagné, tellement l’ambiance était hostile ! » Pour couronner le tout, l’attaquant Olivier Ntcham – auteur du but de son équipe – affirme qu’un joueur libyen lui a lancé des insultes racistes en anglais pendant le match.
Les Camerounais ont quitté Benghazi quelques heures après le coup de sifflet final, non sans avoir à subir une ultime vexation au moment de monter dans l’avion. « Quand on vit un tel séjour, on a juste envie de se tirer très vite. Mais à l’aéroport, on a trouvé nos bagages par terre, sur le tarmac. Je n’avais jamais vécu un pareil accueil ! C’est inadmissible que de telles choses se produisent en 2023, sans que les officiels ne réagissent », fulmine Fabrice Ondoa. Contactée, la CAF n’a pas répondu à nos sollicitations.
« J’ai failli prendre un disque de frein sur la tête »
L’ancien capitaine des Lions indomptables Patrick Mboma n’est pas étonné par l’accueil réservé à ses compatriotes. En juin 2000, lors d’un match qualificatif pour la Coupe du monde 2002, remporté (3-0) contre la Libye à Tripoli, les Camerounais avaient eu droit à une réception similaire. « Notre hôtel était tellement pourri que nous avions dormi dehors, puis dans le hall, pour protester, afin qu’on nous en trouve un de meilleur standing. Et au stade, il y avait eu une pluie de projectiles, se souvient l’ancien joueur. J’ai failli prendre un disque de frein de voiture sur la tête. »
D’autres sélections africaines – le Togo et la République démocratique du Congo – ont résidé à Benghazi en novembre pour y affronter le Soudan, qui ne peut accueillir de matchs internationaux du fait de la guerre qui s’y déroule. « Le séjour s’est passé normalement », assure Guy Akpovy, le président de la Fédération togolaise de football, même s’il n’est pas surpris des accusations de racisme envers les joueurs camerounais. D’autres équipes, précise-t-il, ont connu les mêmes affres. L’Angola, le Cap-Vert, l’île Maurice et l’Eswatini, les prochains adversaires des Libyens en qualifications pour la Coupe du monde 2026, sont prévenus.
