L’ONU Fait Pression Sur Le Rwanda

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Les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont lancé une offensive sur plusieurs axes autour de la ville de Goma, dans l’est de la RDC. Les combats ont débuté ce 23 janvier et se poursuivent depuis. Alors que l’armée sud-africaine, mobilisée au sein de la force régionale de la SADC et de la Monusco, a affirmé avoir repoussé les rebelles samedi soir, ceux-ci sont désormais aux portes de la capitale de la province du Nord-Kivu. L’aéroport international de Goma « ne peut plus être utilisé », a déclaré la Monusco. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé « les Forces rwandaises de défense à cesser de soutenir le M23 et à se retirer du territoire de la RDC »

Le président congolais, Félix Tshisekedi, et son gouvernement ont sollicité le Conseil de sécurité des Nations unies, dont une réunion d’urgence était prévue lundi. Compte tenu de la rapide dégradation de la situation sur le terrain, celle-ci doit désormais se tenir dès ce dimanche. Plusieurs sources avaient dit redouter, en début de matinée, une opération d’ampleur des rebelles et de leurs soutiens avant la tenue de la réunion à New York. Ce dimanche en fin de matinée, plusieurs bombes sont tombées sur des camps de déplacés.

L’armée congolaise a par ailleurs confirmé vendredi 24 janvier le décès du gouverneur militaire du Nord-Kivu, Peter Cirimwami, « tombé l’arme à la main au champ d’honneur ». Un coup dur pour le pouvoir congolais. Neuf soldats sud-africains, trois malawites et un uruguayen de la SADC et des Nations unies ont été tués dans les combats contre le M23.

Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni en urgence

Réunis en urgence ce 26 janvier à New York, les représentants des membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont longuement évoqué la situation qui prévaut autour de Goma. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Wagner Kayikwamba, a appelé le Conseil de sécurité à agir avec « fermeté » et réclamé des sanctions ciblées face à « une agression délibérée et méthodique contre un État souverain ». Elle a accusé le Rwanda de se « préparer à orchestrer un carnage à ciel ouvert » dans l’est de la RDC.

La patronne de la mission de maintien des Nations unies, Bintou Keïta, ainsi que la France, ont appelé Kigali à cesser son soutien au M23.

En réponse, dans un communiqué publié dimanche soir, le gouvernement rwandais a regretté des réactions officielles « erronées ou manipulées » et rejeté la responsabilité des combats sur les FARDC, les FDLR, les mercenaires européens, les Wazalendo, les forces armées burundaises, mais aussi sur la force régionale SAMIDRC et sur les Casques bleus de la Monusco – tous accusés d’avoir violé à plusieurs reprises le cessez-le-feu.

Cette situation près de la frontière rwandaise « continue de représenter une menace sérieuse pour la sécurité du Rwanda et son intégrité territoriale », a répété le ministère rwandais des Affaires étrangères, justifiant une « posture défensive durable ».

Retrouvez dans notre article le contenu détaillé de la réunion d’urgence de l’ONU.

• Les FARDC affirment avoir été frappées par un drone rwandais

Un drone rwandais a ouvert le feu sur des positions congolaises dimanche à environ six kilomètres de Goma, ont indiqué à l’AFP des sources sécuritaires et onusiennes. « Un drone TB2 de l’armée rwandaise a effectué une frappe sur une de nos positions », a précisé une source sécuritaire proche des FARDC. Selon plusieurs sources au sein la Monusco, « au moins deux paramilitaires » ont été gravement blessés par ces tirs.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui n’avait jusqu’à présent pas aussi clairement mis en cause Kigali, s’est dit « profondément préoccupé par l’escalade de la violence » et appelle « les Forces rwandaises de défense à cesser de soutenir le M23 et à se retirer du territoire de la RDC », selon un communiqué diffusé dimanche par son porte-parole.

• « L’aéroport de Goma ne peut plus être utilisé »

Ce 26 janvier, « le M23 et les troupes rwandaises ont pénétré le site de Munigi ainsi que les abords de la ville de Goma », a déclaré la patronne de la Monusco, Bintou Keïta, devant le Conseil de sécurité des Nations unies.

La diplomate, qui intervenait à l’occasion de la réunion d’urgence sollicitée par la RDC en réponse à l’offensive des rebelles sur Goma, a également confirmé que l’aéroport international de la ville « ne peut plus être utilisé aux fins des évacuations ou des efforts humanitaires ».

Les combats, qui s’intensifient sur plusieurs axes autour de Goma depuis le 23 janvier, ont repris tôt ce dimanche matin, notamment au nord de la ville. En fin de matinée, les rebelles ont déclaré que l’espace aérien de la ville était « fermé ». Mais la situation est restée floue pendant plusieurs heures, et certains vols commerciaux ont encore pu décoller peu après cette déclaration. Contacté par Jeune Afrique, le ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, affirmait également à la mi-journée que l’aéroport n’était pas fermé.

Depuis, la situation semble s’être dégradée. « En d’autres termes, nous sommes pris au piège », a déclaré Bintou Keïta, demandant au Conseil de sécurité d’agir pour protéger la population civile et le personnel humanitaire.

• Des camps de déplacés bombardés

Les combats se rapprochent de Goma et les bombardements n’épargnent pas les camps de réfugiés installés à l’ouest de la ville. Au moins quatre bombes sont tombées sur les sites de Rusayo 1 et Rusayo 2 Extension. Il y a plusieurs blessés et un bilan provisoire fait état de dix morts, mais les recherches se poursuivent car d’autres corps sont encore enfouis sous les décombres, selon Janvier Banguma, chef du groupement de Rusayo.

« Les bombes sont tombées à 11 heures. Je suis sur place et nous attendons des ambulances pour transporter les corps des victimes », explique-t-il. Invité de la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC) pour le journal de la mi-journée, le ministre congolais de la Communication a également évoqué des bombardements. « Ils [les habitants de Goma] sont sous attaque. On attaque les camps de déplacés parce qu’il y a une volonté claire de semer la terreur et d’occuper la ville de Goma », a réagi Patrick Muyaya.

En ville, c’est un climat de tension qui règne, selon notre correspondant sur place. Des éléments des Wazalendo (groupes armés alliés à Kinshasa) sont accusés d’avoir commis des pillages dans les quartiers de Majengo et Katoyi. Dans le centre de la ville, de lourdes détonations résonnent depuis l’aube et des hélicoptères de combat de l’armée congolaise tournent dans le ciel, selon l’AFP. Voitures et motos circulent encore mais la plupart des commerces ont fermé. À mesure que les combats se rapprochent, de nouvelles colonnes de déplacés affluent.

• L’ONU avance sa réunion d’urgence

Signe de la rapide dégradation de la situation sur le terrain, la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies prévue lundi a été avancée à ce dimanche, à 10 heures à New York (16 heures à Kinshasa).

Contactées par Jeune Afrique, plusieurs sources sécuritaires disent redouter une nouvelle offensive d’ampleur avant que ne s’ouvre la réunion de l’ONU. Le journal britannique The Observer va plus loin en affirmant que les rebelles soutenus par le Rwanda souhaitent prendre la ville de Goma avant l’adoption d’une résolution à New York.

Dans un communiqué publié samedi, le M23 avait donné 48 heures aux soldats congolais pour déposer les armes. « On ne les laissera pas entrer à Goma, c’est une certitude », a réagi le général-major Sylvain Ekenge, le porte-parole de l’armée congolaise, lors d’une conférence de presse.

Emmanuel Macron appelle Félix Tshisekedi et Paul Kagame

En plus de soutenir la réunion d’urgence qui se tient aux Nations unies, Emmanuel Macron, a eu des entretiens téléphoniques avec ses homologues congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame. Le président français a appelé à « la fin immédiate de l’offensive du M23 et des forces rwandaises ainsi qu’au retrait de ces dernières du territoire congolais », selon un communiqué.

La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) a également réagi pour condamner « l’acte d’agression du M23 », mais sans citer le Rwanda.

Un communiqué qui devrait déplaire au ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, qui refuse désormais d’entendre parler du M23 à la place du Rwanda. Le porte-parole du gouvernement a également partagé sa déception après la lecture d’un communiqué de l’Union africaine qualifiant le M23 « d’opposition politico-militaire ».

« La guerre n’a pas encore commencé », selon Kinshasa

Le gouvernement congolais a mené une contre-offensive médiatique lors d’un point presse tenu samedi soir. « Nos troupes, accompagnées des vaillants Wazalendo [groupes armés alliés à Kinshasa] ont réussi à repousser l’ennemi », a déclaré le général-major Sylvain Ekenge.

La force régionale SAMIDRC, qui se bat aux côtés des Forces armées congolaises (FARDC), affirme également avoir repoussé l’ennemi. « Ce que le Rwanda ne sait pas, c’est que la guerre n’a pas encore commencé », a lancé le porte-parole de l’armée.

Ce dernier a affirmé que Peter Cirimwani, le gouverneur militaire du Nord-Kivu décédé le 24 janvier, a été pris pour cible par  un sniper rwandais qui l’aurait identifié alors qu’il effectuait une sortie de terrain. « C’était l’ennemi juré des Rwandais, je suis sûr qu’ils sont en fête », a réagit, amer, le général-major Ekenge.

Côté diplomatique, Kinshasa a rappelé ses diplomates en poste à Kigali avec effet immédiat et demande au Rwanda d’arrêter toutes ses activités diplomatiques et consulaires dans son ambassade de Kinshasa sous 48 heures. « Le dernier diplomate rwandais en poste à Kinshasa, sous menace permanente des officiels congolais, avait déjà quitté la capitale congolaise », a minimisé le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, sur le réseau social X.

L’armée sud-africaine affirme avoir repoussé le M23

« Après deux jours de combats acharnés avec le groupe rebelle M23 dans l’est de la RDC, le contingent sud-africain et ses homologues […] ont non seulement pu stopper l’avancée du M23 [vers Goma], mais ont pu le repousser », a assuré le ministère sud-africain de la Défense, ce 25 janvier, dans un communiqué.

L’armée sud-africaine affirme dans le même document avoir perdu neuf soldats lors des combats, dont sept faisaient partie de la force régionale de la SADC et deux combattaient au sein de la Mission des Nations unies en RDC (Monusco). « Le nombre de blessés reste à confirmer », poursuit le ministère de la Défense.

La RDC refuse l’offre de médiation turque

Alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan avait proposé une médiation, à l’occasion d’une visite en Turquie de son homologue rwandais, Paul Kagame, la RDC a officiellement décliné l’offre. La vice-ministre congolaise des Affaires étrangères, Gracia Yamba Kazadi, a déclaré que Kinshasa n’avait « sollicité aucune médiation ».

« On doit trouver des solutions africaines aux problèmes africains. C’est dans ce cadre que la RDC s’est engagée dans le processus de Luanda initié par l’Union Africaine mais que le Rwanda sabote », a-t-elle ajouté.

« La Turquie est prête à apporter toute l’aide nécessaire pour résoudre [la crise] entre le Rwanda et la République démocratique du Congo », avait assuré Recep Tayyip Erdogan, le 23 janvier. Très active sur les plans diplomatique et économique en Afrique, la Turquie est intervenue récemment, avec succès, dans le différend entre l’Éthiopie et la Somalie, deux pays voisins de la Corne de l’Afrique.

Le Rwanda accuse l’ONU de rhétorique incendiaire

Le Rwanda a accusé, ce 25 janvier, la Monusco de « rhétorique incendiaire » à propos du conflit en cours dans l’est de la RDC. Dans un communiqué publié le 24 janvier, la Monusco avait exhorté « les parties prenantes à reprendre rapidement un dialogue franc dans le but de trouver une solution pérenne et finale [« sustainable and final solution », dans le communiqué initial rédigé en anglais] à ce conflit ».

Des termes – en particulier l’expression « solution finale », évoquant le génocide des Juifs lors de la Seconde guerre mondiale – qui ont choqué à Kigali. « Cet appel de la Monusco à une solution finale est choquant et doit être condamné et retiré. Une telle rhétorique incendiaire dans un communiqué de la mission de maintien de la paix de l’ONU, dont le principal objectif déclaré est de ne pas faire de mal, est inappropriée », a déclaré la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, sur X.

« Le dialogue entre le gouvernement de la RDC et les rebelles d’une communauté congolaise endeuillée, qui a été victime de persécutions systématiques, est la seule solution pour résoudre le conflit », a-t-elle ajouté. Le chef de la diplomatie rwandaise, Olivier Nduhungirehe, a abondé en critiquant sur X « le choix [des] mots » de la Monusco. Selon le diplomate, les Nations unies choisissent de fermer « les yeux sur la hausse des discours de haine, des persécutions et des meurtres de tutsi congolais. »

L’Union africaine exprime sa préoccupation

Le président de la Commission de l’Union africaine, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a affirmé ce 25 janvier suivre « avec grande attention la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC ».

Le diplomate regrette que la détérioration de cette situation menace les efforts fournis par l’Union africaine pour aboutir à un accord de paix. Moussa Faki Mahamat appelle en outre à un cessez-le-feu et réclame une mobilisation de la communauté internationale en soutien aux populations de l’est de la RDC.

Des soldats de la SADC tués dans les combats

L’Afrique du Sud, qui déploie 2 900 soldats dans le cadre de la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe en RDC (SAMIDRC), a perdu neuf soldats dans les affrontements avec les rebelles du M23. Plusieurs dizaines d’autres ont été blessés lors des combats. Déployée depuis décembre 2023 dans l’est de la RDC, la SAMIDRC participe aux combats qui s’intensifient autour de la ville de Goma.

Trois soldats malawites de la force régionale de maintien de la paix ont en outre été tués dans des affrontements, a déclaré samedi à l’AFP un porte-parole de l’armée malawite. « Nous confirmons la perte de trois de nos courageux soldats qui faisaient partie des forces de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) en RDC », a affirmé Emmanuel Mlelemba. En outre, un soldat uruguayen des Nations unies a également été tué.

La Monusco prend également part aux affrontements qui se concentrent sur deux fronts, à l’ouest et au nord de la capitale provinciale du Nord-Kivu. Samedi 25 janvier, la mission onusienne a annoncé qu’elle relocalisait son personnel non essentiel basé à Goma sans interrompre ses opérations. « Cette relocalisation n’affecte en rien l’engagement indéfectible des Nations unies à fournir une aide humanitaire et à protéger les civils au Nord-Kivu », précise le communiqué.

Réunion d’urgence à l’ONU et condamnation du président Lourenço

Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies sera organisée lundi à New York à la demande de la RDC et avec le soutien de la France. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, est à l’ONU, où elle multiplie les rencontres bilatérales avec les représentants de la France, du Royaume-Uni, de la Russie, des États-Unis, de la Chine, du Danemark et du Pakistan.

De son côté, le président angolais, João Lourenço, qui pilote le processus de médiation entre le Rwanda et la RDC, « condamne fermement ces actions irresponsables du M23 et de ses partisans, qui mettent en danger tous les efforts et progrès réalisés dans le processus de Luanda pour un règlement pacifique de ce conflit », selon un communiqué du ministère angolais des Affaires étrangères.

L’Union européenne (UE) a, pour sa part, réaffirmé son plein soutien aux processus de Luanda et de Nairobi. Dans un communiqué, elle appelle le Rwanda à arrêter de soutenir le M23 et à retirer ses troupes du pays. Elle exige aussi de la RDC qu’elle cesse de coopérer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et autres groupes armés.

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, s’est dit « alarmé » par un regain de violences qui pourrait aggraver « le risque d’une guerre régionale ».

Enfin, aux États-Unis, le sénateur républicain Jim Risch, qui préside la commission des Affaires étrangères de la Chambre haute du Congrès, a lui aussi condamné l’offensive du M23. Alors que Donald Trump vient d’entrer en fonction à la Maison-Blanche et que son degré d’investissement dans ce conflit reste difficile à anticiper, ainsi que Jeune Afrique l’expliquait, Jim Risch a dénoncé « l’incapacité de l’administration Biden à tenir les partis responsables des violations passées », estimant que cette attitude avait « enhardi les acteurs derrière les combats actuels ».

L’armée confirme la mort gouverneur du général Cirimwami

Le porte-parole de l’armée congolaise, le général-major Sylvain Ekenge, a annoncé le décès du général-major Peter Cirimwami, gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu, lors d’une allocution prononcée à l’issue d’un Conseil de défense. Celui-ci se tenait en présence du chef de l’État à la Cité de l’Union africaine.

« Le général-major Cirimwami Peter est tombé l’arme à la main au champ d’honneur, a-t-il déclaré. Il a été blessé, on l’a évacué et tout a été fait pour qu’il arrive à Kinshasa et qu’on l’achemine pour des soins appropriés à l’extérieur du pays, mais malheureusement il a succombé à ses blessures, et les honneurs lui seront rendus lors des obsèques nationales qui seront organisées à Kinshasa. »

Quelques heures auparavant, plusieurs sources, à la fois sécuritaires et dans l’entourage de Félix Tshisekedi, avaient confirmé à Jeune Afrique la mort de Peter Cirimwami. Le 23 janvier, alors que le M23 menait une offensive sur Saké, le gouverneur s’était rendu au front pour soutenir ses troupes. Sa visite avait été documentée par son service de communication.

Peter Cirimwami était en poste depuis septembre 2023. Son rôle dans la coordination des groupes armés locaux, qui opèrent en soutien de l’armée congolaise (les wazalendos), avait été détaillé dans plusieurs rapports du groupe d’expert des Nations unies. Il était également accusé d’être un interlocuteur clé des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), fondées par d’anciens responsables du génocide des Tutsi au Rwanda et qui collaborent elles aussi avec l’armée congolaise face au M23 et ses soutiens de l’armée rwandaise.

Dans son allocution, le porte-parole de l’armée congolaise a également affirmé que le chef de l’État avait « donné des instructions fermes pour que l’ennemi qui est en train de nous attaquer […] soit traqué jusque dans son dernier retranchement, pour qu’il soit repoussé loin de Goma et poursuivi jusqu’à récupérer l’ensemble du territoire national qu’il occupe ».

Les combats se poursuivent à Kibumba et autour de Saké

Après une brève interruption de quelques heures, les affrontements entre le M23, soutenus par le Rwanda, et l’armée congolaise ont repris à l’aube ce 24 janvier. Les rebelles contrôlent toujours la majeure partie de Saké, où ils ont pris position le 23 janvier à l’issue d’intenses combats. Cette cité stratégique se situe à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Goma et constitue l’un des derniers remparts sur la route de la capitale régionale.

Aux environs de Saké, à Mubambiro, se trouvent plusieurs bases militaires, dont celles de la mission de la SADC et de la Monusco, dont les contingents indiens, uruguayens et guatémaltèques participent aux opérations. Plusieurs sources locales ont également fait état de combats à une vingtaine de kilomètres au nord de la capitale provinciale du Nord-Kivu, dans le groupement de Kibumba.

Deux sources sécuritaires confirment que les officiers roumains de la société militaire privée Congo Protection, qui soutiennent les FARDC, participent aux affrontements.

La France alerte à son tour ses ressortissants

L’ambassade de France a réagi ce 24 janvier à la situation sécuritaire dans les environs de Goma. « Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire et de la volatilité de la situation à Goma, il est recommandé de se mettre à l’abri et de quitter Goma temporairement par voie terrestre au plus tôt », explique la diplomatie française. Avant cette dernière, les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient eux aussi mis en garde leurs ressortissants, les incitant à quitter si possible la capitale du Nord-Kivu.

Félix Tshisekedi organise la riposte

De retour en RDC après avoir écourté un séjour à l’étranger, le président congolais a pris en main les opérations de lutte contre les rebelles du M23, qui ont attaqué Saké et menace Goma, où les déplacés affluaient ce 24 janvier. 

Le président congolais va réunir ce 24 janvier le Conseil supérieur de la défense et animer la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres. Tard la veille, il avait reçu à la Cité de l’Union africaine, le palais présidentiel, la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, ainsi que les ministres de l’Intérieur et de la Défense.

Arrivé le 20 janvier à Davos, en Suisse, afin d’assister au Forum économique mondial, Félix Tshisekedi est reparti le 23 janvier à la mi-journée. En mission au Vietnam, où il prenait part aux travaux du bureau de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, Vital Kamerhe, le président de l’Assemblée nationale, a confirmé à Jeune Afrique avoir lui aussi écourté son séjour pour revenir à Kinshasa.

La ministre sud-africaine de la Défense en route pour le Nord-Kivu

En visite en RDC, Angie Motshekga quitte Kinshasa ce 24 janvier pour se rendre à Goma. La ministre sud-africaine de la Défense doit ensuite s’envoler pour Beni, pour s’entretenir avec la Brigade d’intervention rapide sud-africaine (SANDF), rattachée à la Monusco.

La force militaire régionale (SAMIDRC), sous commandement sud-africain, est composée de 2 900 soldats sud-africains et dispose d’une base dans la ville de Saké. Deux soldats sud-africains avaient été tués lors d’une précédente attaque du M23 en juin 2024 contre cette base.

Cet engagement en RDC est assez impopulaire en Afrique du Sud, alors que l’armée est considérée comme mal entraînée et mal équipée pour ce genre d’opération. La visite de la ministre sud-africaine vise à renforcer la coopération militaire avec les forces armées congolaises, selon un communiqué. « La paix n’a pas de prix », expliquait Angie Motshekga à la chaîne SABC avant son départ pour Kinshasa.

Pression sur Goma où des déplacements de population ont été constatés

Les affrontements dans la zone de Saké ont provoqué de nouveaux déplacements de population. Sur la route qui relie la ville à Goma se trouvent en effet plusieurs camps de déplacés, dont les effectifs n’ont cessé de croître ces derniers mois à mesure que les combats s’intensifiaient. Ces déplacés se dirigent désormais vers le centre-ville de Goma et vers certains quartiers comme celui de Majengo, comme l’a également constaté notre correspondant sur place.

La situation dans Goma, carrefour stratégique de l’est de la RDC tenu par l’armée congolaise (FARDC), demeure confuse. Selon une source jointe sur place, des blessés étaient acheminés ce jeudi vers les hôpitaux de Goma et des militaires congolais y étaient en mouvement. Plusieurs des chars de combat qui y étaient stationnés ont été déplacés, vraisemblablement vers une ligne de front plus proche de Saké.

Outre l’armée congolaise et les groupes armés locaux qui lui sont alliés (les wazalendos), d’autres forces sont aussi présentes, dont la Monusco, la force onusienne, mais aussi celle de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Le principal contingent de cette dernière est fourni par l’Afrique du Sud, dont la ministre de la Défense est attendue à Goma.

Les Américains et les Britanniques alertent leurs ressortissants

Compte tenu de l’évolution de la situation sécuritaire autour de Goma, l’ambassade américaine a invité ses ressortissants au Nord-Kivu à « revoir [leurs] plans de sécurité personnelle » en cas de départ précipité. Dans une notice émise le 23 janvier, l’ambassade des États-Unis a expliqué être « limitée dans sa capacité à offrir une assistance consulaire » en raison de la dégradation du contexte dans la zone.

Les Britanniques ont également mis en garde leurs ressortissants, affirmant que le M23 menaçait Goma et contrôlait Saké, ce que le gouvernement congolais n’a pas confirmé : « Si vous êtes à Goma, vous devriez partir tant que des routes commerciales sont encore disponibles. (…) Les postes-frontières entre le Rwanda et la RDC à Gisenyi/Goma pourraient fermer à court terme. L’aide du gouvernement britannique est très limitée en dehors de Kinshasa. Vous ne devez pas supposer que le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth sera en mesure de fournir une assistance pour quitter le pays ».

Les rebelles opéraient ces derniers jours une offensive sur plusieurs fronts

Comme l’expliquait Jeune Afrique ce 22 janvier, le M23 a lancé ces derniers jours une offensive sur plusieurs axes, dont Saké, laquelle avait déjà été la cible du M23 au début de l’année 2024 – opération dont avait rendu compte Jeune Afrique dans une série de reportages publiés en mai dernier. Ces derniers jours, le M23 a aussi progressé dans la région voisine du Sud-Kivu, s’emparant le 21 janvier de la ville de Minova. Le jour même, l’armée congolaise a d’ailleurs reconnu officiellement une « percée » du M23 dans cette province.

Cette dégradation intervient en pleine impasse diplomatique

Le 15 décembre dernier, alors qu’il devait se rendre à Luanda pour rencontrer son homologue congolais, le président rwandais Paul Kagame, dont le pays soutient le M23, a annulé sa venue en dernière minute, reprochant à Kinshasa son refus de négocier directement avec le M23. La RDC considère de son côté qu’il s’agit d’une « ligne rouge » et reproche au Rwanda d’avoir délibérément bloqué le processus de paix.

Kigali accuse aussi l’armée congolaise de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ce qu’atteste aussi le dernier rapport des experts des Nations unies. Leur cas est l’un des points centraux des discussions entre le Rwanda et la RDC, Kinshasa s’étant engagée à les « neutraliser » mais reprochant à son voisin d’en faire un « prétexte » pour justifier son soutien au M23.

L’ONU a de nouveau confirmé le soutien du Rwanda au M23

Selon les Nations unies, qui ont de nouveau documenté le soutien de Kigali au M23, la conquête de nouveaux territoires par le groupe rebelle dépend du soutien des forces rwandaises, qui lui fournissent un équipement militaire de pointe en violation de l’embargo sur les armes. Le M23 a aussi pris le contrôle de l’une des concessions de coltan les plus productives du monde en avril 2024, dans l’est de la RDC.

Depuis, 120 tonnes en seraient extraites chaque mois, avant d’être exportées vers le Rwanda, selon l’ONU, faisant de cette mine le cœur du financement du groupe rebelle, comme l’explique Jeune Afrique dans une série de cartes et d’infographies. Mi-janvier, le M23 a également pris le contrôle de la cité minière de Lumbishi, dans le Sud-Kivu.

Kinshasa tente de contenir la menace du M23, sur les plans militaire et médiatique

L’évolution de la situation sur le terrain confirme les difficultés de l’armée congolaise dans ce conflit depuis trois ans. Pour tenter d’impulser une nouvelle dynamique militaire, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a nommé en décembre Jules Banza Mwilambwe nouveau chef d’état-major de l’armée congolaise.

L’intensification des combats entre le M23 et l’armée congolaise s’accompagne également d’un durcissement de ton des autorités à l’égard des journalistes qui couvrent le conflit, tandis que les gouvernements de Kinshasa et de Kigali s’affrontent par médias interposés.

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