En Guinée-Bissau, plusieurs centaines de femmes ont mis le feu dimanche à des installations gérées par un groupe chinois dans le nord-ouest du pays. Elles protestaient contre les dégâts environnementaux causés par l’extraction de sable liée à l’exploitation du zircon, un minéral utilisé en joaillerie et dans l’industrie nucléaire.
Plusieurs centaines de manifestantes s’en sont prises aux installations d’un groupe chinois qui exploite depuis 2022 le site d’extraction de Nhiquin, près de la station balnéaire de Valera, non loin de la frontière sénégalaise. Plusieurs femmes et un chef de village ont été arrêtés à la suite de cet incident, selon des témoins.
Selon le sous-préfet de la région, « les forces de l’ordre postées à Varela, bien qu’armées, n’ont pas pu empêcher l’incendie des installations ».
« Actes inadmissibles »
« Toutes les installations ont été brûlées » et détruites, a déclaré de son côté le ministre de l’Intérieur Botche Cande à la presse, sans plus de précision. « Quand l’Etat fait des efforts pour chercher des partenaires, personne n’a le droit de détruire leurs biens », a-t-il fustigé sur place.
Les « femmes qui ont fait ce vandalisme […] ont toutes fui pour se réfugier dans la forêt. Elles doivent être recherchées et arrêtées. C’est inadmissible que des gens commettent de tels actes », a-t-il poursuivi, appelant à ne pas faire « comme si de rien n’était ».
« Toutes nos rizières sont détruites »
« Nous leur avons expliqué que nous ne voulons pas que le sable soit extrait sans notre consentement », a déclaré l’une des manifestantes ayant participé à l’action. « Toutes nos rizières sont détruites. Il n’y a plus de poissons dans le marigot [petite étendue d’eau stagnante qui se forme souvent dans le bras mort d’un cours d’eau, ndlr] proche du lieu d’exploitation. Personne n’a pris en compte cette situation malgré nos cris de cœur », a-t-elle expliqué.
La Guinée-Bissau est considérée par l’ONU comme l’un des pays les moins développés du monde. L’instabilité politique et la pauvreté y ont favorisé l’implantation de narcotrafiquants, qui utilisent ce territoire comme zone de transit de la cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe.
Un minerai de plus en plus stratégique
Minerai souvent présent dans les sables littoraux, le zircon n’existe pas vraiment sous forme de gisements à forte concentration. Pour le prélever, il faut généralement amasser des tas de sable et utiliser d’imposants systèmes de tri des grains. Très résistant à la corrosion et à la chaleur, il fait partie des matériaux dits stratégiques, dont la plupart sont présents en Afrique.
Aujourd’hui, environ la majorité du zirconium consommé est utilisé dans le domaine du nucléaire. Il sert notamment comme enveloppe protectrice pour les tiges de combustible insérées dans les réacteurs.
Demande en hausse
Or, dans un contexte global de transition énergétique et d’explosion de la demande d’électricité liée à la mobilité électrique, aux data centerset à l’IA, la construction de centrales nucléaires est en hausse. Des minerais moins rares comme le zircon sont désormais stratégiques et leur exploitation est source de conflits.
L’exploitation du zircon, qui fait l’objet de fortes convoitises en Afrique de l’Ouest – en Guinée-Bissau, mais aussi au Sénégal et en Gambie – , met en lumière la question de la gouvernance minière du continent africain, en proie à l’exploitation européenne, américaine et désormais aussi russe et chinoise.
En dehors du nucléaire, le zirconium est utilisé dans la chimie et l’industrie en raison de ses propriétés anticorrosives. Dans le domaine médical, le dioxyde de zirconium (zircone) est utilisé dans la fabrication d’implants dentaires et chirurgicaux. La zircone est également utilisée en joaillerie comme un substitut au diamant ou à d’autres pierres précieuses.
