La pollution plastique dans les eaux africaines n’a jamais été aussi élevée. Chaque année, des millions de tonnes de déchets se déversent dans les océans bordant le continent, menaçant les écosystèmes marins et les populations côtières qui en dépendent. Mais contrairement au Pacifique, les données aujourd’hui disponibles sur la pollution plastique autour de l’Afrique demeurent très limitées, freinant de facto la compréhension de ce phénomène. Pour combler ces lacunes, plusieurs études scientifiques essentielles ont été récemment lancées dans le sud-ouest de l’océan Indien, zone particulièrement complexe.
Aussi idylliques soient-elles, les plages des Seychelles ne sont pas épargnées par les détritus qui viennent s’y échouer. « À chaque nouvelle marée, explique un plagiste, on retrouve des petits bouts de plastiques, des sachets… On nettoie deux fois par jour. Même les touristes ramassent les saletés et nous les apportent pour qu’on les mette à la poubelle ».
Cette pollution, visible à différents degrés sur les côtes africaines, ainsi que ses effets, restent cependant assez mal connus à l’échelle du continent. Yashvin Neehaul, scientifique, spécialiste de la chimie des océans, basé à Maurice, est co-auteur du livre The African Marine Litter Outlook : « Pour comprendre la pollution plastique marine, il est essentiel de commencer par identifier les sources ainsi que les voies de dispersion des déchets plastiques. Dans les pays continentaux, les rivières et autres cours d’eau constituent les principaux vecteurs de transport des plastiques vers les océans. En fonction des courants marins et de la topographie côtière, ces déchets s’accumulent dans certaines zones spécifiques, le long des côtes africaines ».
Les chercheurs ont défini deux zones qui concentreraient des milliers de kilomètres carrés de ce qu’ils appellent des « soupes de microplastiques ». L’une dans l’océan Atlantique, au sud de l’Afrique du Sud ; l’autre dans l’océan Indien, au sud de Madagascar. Néanmoins, rappelle Yashvin Neehaul : « Il est difficile de se prononcer sur les sites exacts où s’accumule le plastique. Pourquoi ? Parce qu’il y a un manque de données sur l’étude des courants autour du continent africain ».
Et c’est particulièrement le cas pour la façade est de l’Afrique, comme l’explique Christophe Maes, océanographe et physicien à l’IRD, du Laboratoire d’océanographie physique et spatiale, à Brest, en France : « L’océan Indien souffre d’un manque d’observation in situ et a un gros retard par rapport aux autres océans, tout simplement parce que ce n’est pas forcément le lieu de passage des principaux rails de navigation océanique … ».
Pour y remédier, un programme de collecte de données a lieu en ce moment-même dans le sud-ouest de l’océan Indien, grâce au largage, à partir du navire Plastic Odyssey, de bouées dérivantes, qui émettent un signal GPS.« Quand on lâche des bouées, explique Christophe Maes, ça nous permet d’avoir une description au moins à l’échelle de la bouée, des principaux mouvements de l’océan pour valider nos modèles, et à partir de ces modèles, essayer de mieux comprendre la dynamique que peuvent subir les plastiques dans l’océan Indien. Et le second intérêt de ces largages et d’études sur leur dispersion, c’est qu’en utilisant nos modèles “dans l’autre sens”, on va pouvoir remonter à l’origine de ces plastiques qui viennent polluer l’ensemble de la région. Ça va permettre de comprendre leur dispersion depuis leur zone d’origine à l’échelle de l’océan Indien, et peut-être même plus loin ».
Des programmes novateurs et surtout d’intérêt international. La pollution plastique dans les eaux africaines n’a jamais été aussi élevée. Si la majorité des déchets en mer provient de la terre ferme, les chercheurs estiment toutefois que l’abandon et la perte d’équipement de pêche dans les océans seraient responsables jusqu’à 30 % de la diminution des ressources halieutiques.