Mory Kanté, Salif Keita, Fela Kuti… Comment La Musique Africaine A Rejoint La Modernité Après La Décolonisation

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Des milliers d’enregistrements témoignent de cet âge d’or durant lequel le talent d’artistes innombrables et incroyables a rythmé et rythme encore la vie du Congo, du Mali, de l’Éthiopie, du Ghana, du Nigeria, entre autres nombreux pays africains… « Un choix subjectif qui est le fruit de 25 années de recherche sur le continent africain depuis la fin des années 90 en Ethiopie, au Cap Vert, au Mali… Des choix éditoriaux liés à mes rencontres, à l’écoute répétées de disques, et à mes dizaines de voyage » explique l’auteur de ce livre illustré d’images rares.

Les premiers labels c’est au Congo que ça se passe
« En 1943 le Général de Gaulle est à Brazzaville pour lancer la radio des Forces françaises d’Afrique équatoriale et en 1944 naîtra Radio Congo. Les enregistrements musicaux, les entrepreneurs, les labels vont émerger à la suite et permettre à des orchestres modernes de se mettre en place au Congo » raconte Florent Mazzoleni qui ajoute : « En outre, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, pendant quinze années, il y a une grande tolérance des Belges pour la liberté d’entreprendre, d’enregistrer, de produire et de diffuser des disques. Des labels anglais, belges et français récupéraient ses enregistrements pour leur diffusion. Le Congo a été le premier à se doter d’une usine de pressage de disques. »

Les orchestres et la technique s’étoffent. Jusqu’au début des années 60, plus de 3000 78 tours seront pressés au Congo et vont être diffusés via Radio Congo en centre Afrique et un peu partout sur le continent. Grâce à ce rayonnement, le Congo devient un géant incompressible des musiques africaines.

Les Congolais sont à la base du développement des musiques modernes avec leur incontournable rumba
Avec l’euphorie de l’indépendance sont nées la rumba et la modernité congolaise. Les rythmes cubains, cha-cha-cha, baranga et surtout le boléro venu du Mexique via Cuba débarquent dans tous les ports du littoral atlantique. Ils sont réinterprétés à la façon africaine par beaucoup de musiciens dont Franco Luambo Makiadi, un génie musical congolais qui a composé plus de 5000 titres.

Selon Florent Mazzoleni, Franco Luambo Makiadi a tout inventé avant l’heure : « Il évoquait la politique, le quotidien, la relation homme femme et même l’écologie. Son héritage est immense ».

L’influence du Ghana
Dans les années 60, une vingtaine de pays africains deviennent indépendants et un peu partout en Afrique de l’Ouest, les gens en tenue chic allaient à des soirées un peu guindées où jouaient des orchestres dans des country clubs, des night-clubs. Ces musiques racontaient les scooters, les voitures, les filles, le reflet de ce que l’on voyait aux actualités en Europe et aux États-Unis. On y racontait un pays en train de naître, avide de modernité. La guitare devient un symbole et se popularise au sein des orchestres qui feront danser.

Pour Florent Mazzoleni : « Ce n’était pas encore une musique du peuple mais avec ces soirées qui petit à petit se démocratisent et ensuite les disques, la popularité de ces musiques a grandi ».

Au Ghana, le Highlife avec son nom qui aspire à la modernité est créé par des musiciens issus de fanfares militaires. « C’était une sorte de jazz africain avec des arrangements de cuivres. Calqué au début sur la rumba congolaise, le highlife est devenu plus spirituel, avec des influences funk et un chaloupé issu des îles caribéennes » relate Florent Mazzoleni. Le Ghana étant le premier pays à accéder à l’Indépendance en 1957, cette musique met un accent sur la politique et influence ses voisins. Sa figue de proue était E.T. Mensah avec son Ghana Freedom devenu un héros que l’on célèbre toujours aujourd’hui.

Les mélanges de genres musicaux
Le Mali possède une grande diversité de cultures. À partir des années 70, des biennales de compétitions artistiques et musicales où s’affrontent les orchestres de toutes les régions du pays sont mises en place. Le Super Rail Band créé en 1970 par les illustres Mory Kanté & Salif Keita, jouait aussi au Buffet hôtel de la gare de Bamako de 22 heures à 4 heures du matin.

Florent Mazzoleni témoigne : « Ce sont mes moments musicaux les plus intenses. C’était exceptionnel. L’orchestre mélangeait la rumba, les rythmes modernes d’influence cubaine, le jazz noir américain au rythme traditionnel mandingue ».

Musique des griots riche de sept siècles d’Histoire, la musique mandingue est aussi représentée par Ali Farka Touré l’une des figures musicales les plus importantes de Bamako et d’Afrique qui associe musique malienne traditionnelle et blues.

« C’est aussi au Mali que l’on entend les plus belles voix féminines d’Afrique » estime l’auteur de Afriques Musiques.

L’auteur évoque aussi Fela Kuti musicien nigérien et ambassadeur mondial de l’Afro Beat et termine son périple musical en Éthiopie avec ses hauts plateaux qui culminent à 1500 mètres d’altitude, une géographie qui a fait naître une musique hermétique à toutes influences.

Mais Mulatu Astatke, qui deviendra une légende vivante par la suite, part étudier au Trinity Collège of Music de Londres, puis revient au pays dans les années 60 : « Il crée l’Éthio-jazz, composé d’un mélange de musique noire américaine et de tezeta qui est une sorte de blues éthiopien. Un musicien qui a traversé toutes les époques et une musique une classe extraordinaire ».

SourceRTBF
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