Kinyatrap : à Kigali, le son abrasif de la nouvelle scène rap

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par Rika Mpogazi
21 avril 2022
La kinyatrap est le son d’une ville, Kigali, et combine des éléments de trap, grime, et de drill à certains rythmes afro-pop. Alors que les médias généralistes ont tendance à réduire la musique rwandaise aux stars de sa diaspora – Stromae, Lous and the Yakuza, ou Corneille pour ne citer que le trio de tête – la kinyatrap préfère cultiver le talent local qui bourgeonne depuis à peine plus d’une décennie. Une scène innovante dont la popularité locale a récemment atteint des sommets, suite à une demande de plus en plus pressante pour un son qui parle à la jeunesse du pays. Quand on apprend que le genre, à l’influence grandissante, a vu le jour au sein des quartiers branchés de Nyamirembo et de Nyarutarama qui abritent une grande communauté musulmane, on n’est pas étonné d’y entendre l’argot de Kigali côtoyer sorties en swahili, exclamations en langue arabe, apostrophes en anglais et double sens francophones, le tout joyeusement fusionné à la langue kinyarwanda, hautement riche en métaphores. Si la rumeur les dit inspirées par le kwivuga, tradition orale rwandaise qui se pratique lors des grands rassemblements, la plupart des chansons de kinyatrap décrivent les difficultés de la vie urbaine, la volonté de réussir et l’importance du collectif.

Pour qui n’est pas du milieu, ces hymnes drill peuvent sonner comme un mélange simpliste de beats turbulents et de prises de position grossières, mais les arrangements musicaux et le storytelling qui façonnent chaque chanson et la vidéo qui l’accompagne révèlent l’existence d’un corpus artistique bien précis. Et si l’on se réfère au récent tour de vis des autorités qui a mené à l’interruption du concert de Ycee à Kigali le 19 mars dernier – au prétexte de nuisances sonores et alors même que les organisateurs avaient obtenu l’autorisation idoine – on comprend que les artistes rwandais ont enfin commencé à dénoncer les obstacles qui se dressent devant quiconque souhaite faire de la musique, dans un pays où la liberté d’expression est encore un vœu pieu.

Le rappeur Ish Kevin qui produisait l’évènement a depuis lors été remboursé, comme il l’a confié à PAM. Il n’empêche, le coup fut dur.

À Kigali, la notion de collaboration est essentielle. Les kinyatrappeurs ont beau viser le sommet de la scène africaine du hip-hop et du rap, c’est à leurs fréquentes collaborations -derrière les platines, en studio et sur scène- qu’ils doivent leur ascension. Car malgré le récent coup de pouce de l’investissement public et privé dans les projets culturels et artistiques au Rwanda, l’absence systémique d’infrastructures de soutien aux artistes locaux a poussé ces activistes obstinés et passionnés à créer leur propre scène, invitant des camarades de collaboration aux horizons variés à les rejoindre dans un projet de développement de long terme. C’est ainsi qu’on a enfin pu voir, ces dernières années, des jeunes hommes et femmes, tous entrepreneurs autodidactes, adoubés d’une reconnaissance bien méritée pour les joyaux qu’ils ont contribué à sculpter au cœur d’une industrie musicale rwandaise en plein bourgeonnement.

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