L’Afrique ne produit que 1 % des vaccins qu’elle consomme et là comme ailleurs, la crise du Covid a déclenché une volonté de souveraineté pharmaceutique et sanitaire. L’Institut Pasteur de Dakar (Sénégal), découvreur en 1927 du virus de la fièvre jaune et qui est un des quatre producteurs mondiaux du vaccin contre cette maladie souvent mortelle, est bien placé pour produire localement. Depuis un an, cette fondation privée créée en 1896 par l’un des disciples de Louis Pasteur porte un projet de « vaccinopole » à plus de 260 millions de dollars, en cours de construction près de l’aéroport de Dakar.
Jeudi, sur le chantier de 1.300 hectares, une cérémonie a officialisé le financement, par la Banque européenne d’investissement (BEI), de 75 millions d’euros sur les 220 millions de dollars (206 millions d’euros) requis pour « Madiba », un des bâtiments du vaccinopole. La BEI a par ailleurs approuvé un autre prêt pour compléter ultérieurement le financement des divers bailleurs engagés (des agences de développement).
Négociations confidentielles
Madiba – le surnom de Nelson Mandela – aura une capacité de production de 300 millions de doses de vaccin par an, pour desservir l’Afrique de l’Ouest à partir de fin 2023. L’enjeu est de produire des vaccins contre le Covid et autres futures épidémies, mais aussi les maladies infantiles ou prioritaires (rougeole, tuberculose, méningite etc.) ainsi que les maladies tropicales négligées, pour lesquelles il n’existe pas d’offre vaccinale car elles ne concernent pas l’hémisphère nord. Il produira des vaccins par culture cellulaire, une technologie nouvelle pour l’Institut Pasteur de Dakar (IPD), qui négocie un partenariat avec un laboratoire pharmaceutique non dévoilé.
Avant même la fin de 2023, dans un coin du bâtiment Madiba, une unité modulaire de remplissage de flacons et poches doit commencer début 2023 à opérer pour 50 millions de doses par an, en utilisant un vaccin importé d’un laboratoire partenaire. L’Institut voudrait un vaccin anti-Covid et négocie avec les partenaires possibles.
Le vaccinopole a d’ailleurs un autre plan, distinct de Madiba, dans l’ARN messager . Il espère attirer BioNTech dans son enceinte… La biotech allemande rendue célèbre par son vaccin antiCovid, veut en effet produire en Afrique, dans les trois hubs régionaux choisis par l’Union africaine (Sénégal, Afrique du Sud et Rwanda). Il a conçu pour cela des usines mobiles à partir de containers maritimes, mais a besoin d’un partenaire local.
Ce sera Biovac en Afrique du Sud et, pour le Sénégal, l’Institut Pasteur de Dakar est en lice avec son vaccinopole, espérant un transfert à terme du savoir-faire. Suspense sur l’état des négociations, mais un représentant de BioNTech était présent jeudi à la cérémonie.
Multi-technologies
Autre projet du vaccinopole, AfricAmaril, dans un bâtiment mitoyen, va porter la production de vaccin contre la fièvre jaune de l’institut Pasteur de Dakar de 5 à 10 millions de doses par an fin 2023, puis 30 millions fin 2024, tout en gardant la technique traditionnelle d’inoculation du virus dans des oeufs de poule.
OEufs, culture cellulaire, ARN messager… Le vaccinopole de Dakar se veut une plateforme multi-technologies, qui rajoutera 200 salariés aux 700 travaillant pour l’institut Pasteur de Dakar. Mais ce dernier ne se développe pas que dans les vaccins. Il a lancé en 2019 sous la marque DiaTropix des tests de dépistage aussi rapides qu’un test de grossesse et accessibles aux pays africains, car bien moins chers que leur équivalent occidental. Il les déploie depuis 2019 sur une dizaine de maladies (dengue, Covid, rougeole, fièvre jaune, etc.), ne produit encore que moins de 2 millions de tests par an, mais là aussi, une usine en construction va servir le continent. Prévue pour démarrer au second semestre 2023, elle aura une capacité de 50 millions de tests par an.