M. Boakai, 78 ans, prendra pour six ans la tête de ce pays anglophone d’environ cinq millions d’habitants, l’un des plus pauvres du monde.
Ce vieux routier a été le vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme cheffe d’État en Afrique, entre 2006 et 2018. Il a occupé de nombreux postes au sein de l’État ou du secteur privé.
Il l’a emporté avec 50,64 % des voix, contre 49,36 % pour M. Weah, a annoncé lundi devant la presse Davidetta Browne Lansanah, présidente de la commission électorale, après le dépouillement de tous les bulletins de vote.
M. Boakai, qui ne devançait M. Weah que de 20 567 voix sur un peu plus de 1,6 million de votants, est resté jusqu’alors étrangement silencieux, alors que ses supporteurs sont en liesse dans tout le pays depuis vendredi. Ils dansent dans les rues et en agitent des drapeaux à son image.
Un transfert pacifique
M. Weah, élu en 2017 et en quête d’un second mandat, a reconnu la victoire de son adversaire dès vendredi soir au vu de résultats presque finaux, s’attirant les éloges de l’étranger pour favoriser ainsi un transfert de pouvoir non violent.
Notre heure reviendra, a dit l’ancienne vedette du soccer de 57 ans, dont les intentions après la fin officielle de sa présidence en janvier 2024 restent inconnues.
Au-delà du choix de la personne appelée à diriger ce pays en quête de stabilité après les années de guerre civile et d’épidémie d’Ebola, l’un des enjeux de l’élection était le déroulement pacifique et régulier du scrutin, alors que la démocratie en Afrique de l’Ouest a été malmenée ces dernières années par une succession de coups d’État, notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
La présidente de la commission électorale a néanmoins indiqué que cette dernière avait reçu vendredi deux recours du parti de M. Weah contre le déroulement de l’élection dans le comté de Nimba. La commission a 30 jours pour enquêter et se prononcer, a-t-elle ajouté.
Reconnaissance de l’étranger
L’Union africaine (UA) a félicité lundi Joseph Boakai pour son élection et salué le sens de l’État de George Weah, en invitant également toutes les parties à continuer à faire preuve de maturité et à engager le dialogue pour consolider la démocratie.
Les Libériens ont démontré une fois de plus que la démocratie est vivante dans l’espace de la CEDEAO [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] et que le changement par des voies pacifiques est possible, a dit dans un communiqué la CEDEAO, aux premières loges des changements abrupts de régime depuis 2020.
M. Weah a contrecarré l’idée reçue selon laquelle les transitions démocratiques étaient intenables en Afrique de l’Ouest, a souligné le président du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu, poids lourd de la CEDEAO
Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest.
À Washington, Joe Biden a par ailleurs félicité Joseph Boakai pour avoir remporté une élection présidentielle libre et juste.
Je veux aussi saluer George Weah pour avoir respecté la volonté du peuple et avoir fait passer le patriotisme avant le calcul politique, a ajouté le président américain dans un communiqué, en estimant que le peuple libérien avait montré l’exemple en Afrique de l’Ouest et dans le monde.
Plusieurs présidentielles sont prévues en 2024 en Afrique de l’Ouest : au Sénégal, au Ghana, en Mauritanie, et théoriquement au Mali et au Burkina Faso, dirigés par des militaires.
Un bon présage
Cette élection était la première organisée sans la présence de la mission des Nations unies au Liberia. Cette dernière a opéré de 2003 à 2018 pour garantir la paix après les guerres civiles.
Des affrontements pendant la campagne ont fait plusieurs morts. Des incidents ont été rapportés entre les deux tours, faisant craindre des lendemains d’élection agités, surtout en cas d’issue serrée.
Le scrutin a été suivi par de nombreux observateurs étrangers et libériens, et les missions de l’Union européenne et de la CEDEAO ont salué le déroulement globalement pacifique du second tour.
L’élection a eu lieu 20 ans après la fin des guerres civiles au Liberia, qui ont fait plus de 250 000 morts entre 1989 et 2003 et dont le souvenir reste vivace. L’ombre de cette histoire sanglante a nourri l’inquiétude, que M. Weah a dissipée en grande partie vendredi en s’inclinant devant M. Boakai.